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L’université, les patates avariées et le reste

 

C’est une misère. L’université a perdu ses béquilles, elle n’arrive plus à tenir debout dans un univers marqué par une débandade générale. Ici et là, on n’arrête pas d’évoquer ces augmentations qui, finalement, auraient aggravé les choses en provoquant chez beaucoup d’enseignants la folie d’une calculette illusoire. Le CNES ou ce qu’il en reste , après avoir été berné par les services du ministère de l’enseignement supérieur, crie à la trahison, fait semblant de faire grève avant de se rabattre sur un statut de l’enseignant-chercheur qu’il considère positif alors qu’il reproduit les mêmes pratiques d’avant, avec en sus, un contrôle systématique des enseignants, obligés de rédiger un rapport prouvant bien qu’ils ont été d’assidus moniteurs et demandant une autorisation pour participer à des colloques à l’étranger. Il existerait, parait-il, une section UGTA qui aurait le sommeil trop lourd et le réveil aléatoire.

On continue à jouer de la calculette en comptant sur des indemnités tellement attendues qu’elles commencent à faire perdre la raison à de nombreux enseignants qui n’arrêtent pas de multiplier les heures supplémentaires et à courir derrière les postes de responsabilité pour gagner des « heures supplémentaires » qui ne sont pas du tout des heures supplémentaires, mais une indemnité détournée, donc illégale. L’illégalité flirte bien avec ces bourses bidons et ces stages de recyclage pour des enseignants de rang magistral qui, souvent, ne réussissent pas de publier des ouvrages ou des articles dans des revues internationales reconnues, il y a bien une revue pakistanaise qui publie n’importe quoi moyennant monnaies sonnantes et trébuchantes et récupèrent les dinars de projets de recherche et des facilités de laboratoires qui fonctionnent souvent pour gonfler le salaire. On n’oubliera pas de faire un bilan comptable dégageant la présence de centaines de projets dans l’escarcelle du ministère. En attendant, les étudiants peuvent bien trinquer dans un univers où le savoir semble prendre la clé des champs, ni bureaux pour enseignants, ni Internet, ni photocopieuse pour les étudiants ou les enseignants, ni bibliothèques au sens plein du terme.

Il faut assister aux colloques qui constituent, dans de nombreux cas, beaucoup plus des lieux de rencontres que d’espaces de savoir. On se satisfait souvent de reproduire des discours préalables, comme d’ailleurs, ces magisters qu’on fabrique à la pelle, donnant un vrai coup de pied à la rigueur qui a longtemps déserté les contrées d’une université qui a perdu des centaines de professeurs partis à l’étranger se refaire une santé. Les conditions de travail sont tellement mauvaises qu’il est vain de parler de recherche dans des lieux investis de vaches et de saleté légendaire (on nettoie les lieux au passage d’une délégation officielle). Presque tous les sites universitaires fonctionnent ainsi. Il est même interdit, pour les plus de trente ans, de poursuivre des études supérieures (Magister) et aux plus de cinquante ans de penser préparer un doctorat dans certaines filières. La chasse aux vieux de 26-30 ans pour le Magister et de 50 ans pour le doctorat est engagée.

Il est du domaine de l’hérésie de vouloir organiser des discussions scientifiques et des activités culturelles dans des bâtiments qui regardent les vaches s’empiffrer d’une herbe squelettique et apprécier ce candidat député qui avait promis de construire une université au cas où il serait élu.  Les étudiants, fatigués, regardent et commencent à comprendre la nouvelle vocation d’une université où Boumediene mit à la porte, au nom d’une fierté nombriliste, des enseignants étrangers qui pouvaient nous permettre peut-être comme Prométhée de voler le feu du savoir. L’Algérie s’était accrochée à son nombril en s’autoproclamant première en tout, avant qu’on découvre qu’en fait nous étions en queue de peloton en tout et que notre nombril, il vaudrait mieux le jeter aux chiens. A l’époque, on parlait encore de « travailleurs de l’université » où l’appariteur équivalait au professeur.

Les choses ne semblent pas avoir changé d’un iota sauf que de nombreuses compétences ont pris au mot Boumediene qui invitait ceux qui n’étaient pas d’accord avec sa politique de quitter le pays. Il aurait fallu trouver un peuple de rechange. Quand Abdellatif Rahal, alors ministre de l’enseignement supérieur, avait voulu changer les choses, on l’avait traité de tous les noms d’oiseaux et, suprême insulte, d’ « Américain » qui voulait « reproduire le campus » à Alger. Au même moment, Lacheraf au Ministère de l’Education se faisait taper sur les doigts par des gens trop inconnus tout en sévissant dans les travées du pouvoir. Et Smail Hamdani, alors chef du gouvernement,  boucle la boucle en disant que l’université est comme les autres secteurs, la maçonnerie ou la ferronnerie alors que de nombreux universitaires quittaient l’Algérie pour enseigner dans des universités étrangères. Ils sont remplaçables, avait dit un ministre. Comme si c’était de la patate avariée.

 

                                                        Ahmed CHENIKI


 



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