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Le théâtre et l’apport du goual 

Par Lamia BEREKSI

Université Paris XII

     

 La culture populaire qui nous intéresse dans notre recherche se situe dans les différentes situations vécues par les petites gens et qui rencontrent des transformations au fil du temps. En d’autres termes la culture populaire est une représentation de la parole résultant de multiples événements. Elle se sert du dialecte et du patrimoine culturel. Elle se rapproche de la définition du théâtre : « Le théâtre est parole : par parole, nous entendons l’ensemble des signes scéniques produits par quelqu’un (paroles, gestes, usage d’un objet), donc des signes qui font l’objet d’une énonciation : les autres signes (non linguistiques) de la représentation sont aussi des dires. Linguistiques ou non, les signes théâtraux sont une parole, c’est à dire la manifestation concrète, « pragmatique », d’un « langage »… »[1].

                   Celui qui détient tout le jeu est le goual. Il se met au centre d’un cercle qui est appelé en arabe Halqa : « Dans la halqa, il y a un conteur. Alloula a multiplié cet intervenant. Il peut y avoir six, sept, huit conteurs. Plus ou moins, comme l’on veut et l’on peut. Ils se passent la parole comme un relais dans une course. C’est ce qui fait la dynamique du spectacle. Ce théâtre est un théâtre de la narration, du dire. Il sollicite l’imaginaire du spectateur, de sorte que chacun peut faire sa propre représentation »[2]

En faisant référence au dire d’un individu, nous rejoignons le rôle du goual qui est le gardien de la mémoire : « Ce nom a comme vocation d’occuper l’absence, de neutraliser l’oubli. De rappeler qu’un instant de l’histoire refuse de passer »[3]. Il capture le temps de l’histoire pour que le dire devienne le point d’ancrage : « Le temps est capable d’un tour plus étrange. Tel incident insignifiant, qui a lieu un certain moment, jadis donc, oublié, et non seulement oublié, inaperçu, voici que le cours du temps le ramène, et non pas comme un souvenir, mais comme un fait réel, qui a lieu à nouveau, à un nouveau moment du temps »[4]

       La place que prend le goual dans la culture arabe ne date pas d’aujourd’hui. Cela date de la période anté- islamique. Il s’occupait de défendre et de guider sa tribu : « [] Nous connaissons la place capitale tenue par le poète dans la société arabe de l’anté- islam [] le poète est comme celui qui guide sa tribu et qui, à l’occasion prend la parole pour la défendre, si elle est attaquée. Redouté, il peut, en proférant ses paroles, prononcer une malédiction contre les ennemis et le fait est bien connu de ces tribus qui bâillonnaient les poètes prisonniers pensant échapper ainsi à la puissance maléfique de leurs imprécations »[5]. C’est dans le même ordre d’idée qu’il est dit : « La poésie arabe cache un monde si vaste et si complexe qu’il semble impossible à cerner »[6]

          

1-    Définition du mot goual : 

Goual est dérivé de la forme trilitère du verbe dire en arabe littéraire : « Le goual peut raconter un personnage, le pénétrer, le ressortir pour redevenir spectateur. Le tout est très rapide, ce qui nécessite l’éloquence dans le geste »[7]. Dans cette ambiance, le sentiment qui est engendré s’inscrit dans un esprit collectif : « Il ne s’agit pas de la joie individuelle d’un gamin sorti d’une chaumière enfumée mais de joie collective de la foule populaire »[8]. C’est ainsi que nous établissons le lien avec les hommes de théâtre de l’antiquité : « [] Chez Eschyle ou Sophocle, il est demandé au comédien principal de maîtriser toutes les catégories du dire, de la psalmodie au chant, du cri au murmure. Le goual doit avoir les mêmes aptitudes »[9]. De cette aptitude à prendre plusieurs rôles, il  peut :

1-    Prendre la parole

2-    Céder la parole

3-    Incarner un personnage

4-    Raconter un personnage

5-    S’identifier au personnage

6-    Se distancier du personnage.

 Par ses paroles, il attire comme un aimant si nous reprenons l’expression d’Alloula dans la pièce Litham (Le voile). Le fait d’être au cœur de la halqa, nous le considérons comme le centripète de la narration.

 

Références bibliographiques :

               Ouvrages historiques :         

Allalou, L’aurore du théâtre algérien, Ed/C.D.S.H, 1980.

Bachetarzi Mahieddine, Mémoires 1919-1939, Ed/Sned, 1968.

Baffet Roselyne, Tradition théâtrale et modernité en Algérie, Ed/ L’harmattan, 1985.

Bakhtine Mikhaêl, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au moyen-âge et sous la renaissance, Ed/ Gallimard, 1970.  

Ben Achour Bouziane, Le théâtre en mouvement octobre 88 à ce jour, , Ed/ Dar el gharb, 2002.

Berque Jacques, Les Arabes, Ed/ Sned, 1973.

Berque Jacques, Les Arabes d’hier à demain, Ed/ Du seuil, 1969.

Cheniki Ahmed, Le théâtre en Algérie histoire et en jeux, Ed/ Edisud, 2002.

Chergui Zebeida- Kateb Amazigh, Kateb Yacine, un théâtre en trois langues, Ed/ Du seuil, 2003.

De Premare A.L, La tradition orale du Mejdûb, Ed/ Edisud, 1986.

Dejeux  Jean, La culture algérienne dans les textes, Ed/ Publisud, 1995.

Dejeux Jean, Djeha, hier et aujourd’hui, Ed/ Naam, 1978.

El-Djahiz, Ephèbes et courtisanes, Ed/ Payot et rivages, 1997.

Lansari Ahmed, Anthologie de la poésie algérienne, Ed/ Publisud, 1994.

Memmi Albert, La poésie algérienne  de 1830 à nos jours, Ed/ Ecole pratique des hautes études, 1963.

Norin Luc et Tarabay Edouward, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, tome III, Ed/ Du seuil, 1967.

Remaoun Hassan, L’Algérie, histoire, société et culture, Ed/ Casbah, 2000.

Roth Arlette, Le théâtre algérien de langue dialectale 1926-1954, Ed/Maspero, 1967.

Taleb Ibrahimi Ahmed, De la colonisation à la révolution culturelle 1963-1972, Ed/ Sned, 1972.

Taleb Ibrahimi Ahmed, Lettres de prison, Ed/Sned, 1966.

Tlili Bechir, Les rapports culturels et idéologiques entre l’orient et l’occident en Tunisie au XIXème siècle 1830-1880, Ed/ Presse des arts graphiques, 1976.

 

            Ouvrages théoriques :

Aristote, Poétique, Ed/ les belles lettres, 1990.

Artaud Antonin, Le théâtre et son double, Ed/ Gallimard, 1996.

Barthes Roland, S/Z, Ed/ Du seuil, 1970.

Brecht Bertolt, Petit Organon, Ed/ L’Arche, 1999.

Brook Peter, Le diable c’est l’ennui, Ed/ Acte sud, 1991.

Brook Peter, l’espace vide, Ed/ Du seuil, 19777.

Hourantier M.J, Du rituel au théâtre rituel, Ed/ L’harmattan, 1984.

Maingueneau Dominique, Le contexte de l’œuvre littéraire : énonciation, écrivain, société, Ed/ L’harmattan, 1984.

Hubert-Marie Claude, Les grandes théories du théâtre, Ed/ Armand Colin, 1998.

Larthomas Pierre, Le langage dramatique, Ed/Armand Colin, 1992.

Roubine J.J, Introduction aux grandes théories du théâtre, Ed/Nathan, 2000.

Rocheleau Alain Michel, Bertolt Brecht et la nouvelle communication, Ed/ Nota bene, 2000.

     Sugers Anne, Scénographies du théâtre occidental, Ed/ Nathan, 2002.

     Stanislavski, La construction du personnage, Ed/ Olivier Perrin, 1966.

     Tahar Ahmed, La poésie populaire algérienne (Melhun), Ed/ Sned, 1975.

      Ubersfeld Anne, Lire le théâtre I, Ed/ Belin 1996.

       Ubersfeld Anne, le théâtre II, Ed/ Belin 1996.

       Ubersfeld Anne, le théâtre III, Ed/ Belin 1996.

       Ubersfeld Anne, Les termes clés de l’analyse du théâtre, Ed/ Du seuil, 1996.

       Vitez Antoine, Le théâtre des idées, Ed/ Gallimard, 1991.

 

Ouvrages critiques :

      Aziza Mohamed, Regard sur le théâtre arabe contemporain, Ed/MTE, 1970.

     Aziza Mohamed, Le théâtre et l’islam, Ed/ S.D, 1965.

    Barthes Roland, Essais critiques, Ed/Du seuil, 1964.

Benaîssa Slimane-Ryane Malika, Le rire      du métis suivi de l’action littéraire, Ed/ Marsa, 1990.

     Bererhi Afifa et Chikhi Beida, L’Algérie ses langues, ses lettres, ses histoires, Ed/ Du tell, 2002.

       Benrabah Mohamed, Langue et pouvoir en Algérie, Ed/ Séguier, 1999.

       Bounfour Abdellah, Regan Abdellah, Littérature et traduction, Ed/ L’harmattan, 2001.

    Bourdieu Pierre, Sociologie de l’Algérie, Ed/Puf, 1958.

   Blanchot Maurice, Le livre à venir, Ed/Gallimard, 1959.

  Clairet Mohamed, Linguistique contrastive et traduction, Ed/ Ophrys, 1996.

  Chevalier Dominique, Les Arabes et l’histoire créatrice, Ed/ Presse de l’université de la Sorbonne, 1995.  

     EL-Khouri Chakib, Le théâtre arabe de l’absurde, Ed/A-G-Nizet, 1978.

    Itinéraires et contacts de cultures, Littérature du Maghreb, Ed/L’harmattan, 1984.

    Lacheraf Mostefa, Algérie, nation et société, Ed/ Maspero, 1965.

    Lacheraf Mostefa, Littérature de combat, Ed/Bouchene, 1991.

      Scènes d’Europe, Spécial théâtre d’Algérie, Ed/ Ubu, 2003.

       Yacine Tassadit (sous la direction de), Enracinement culturel et rôle des médiateurs au Maghreb, Ed/ L’hamrmattan, 2000.

 

   Ouvrages linguistiques : 

   Adam Jean Michel, Linguistique textuelle, Ed/Nathan, 1999.

    Amossy Ruth,  Images de soi dans le discours, Ed/ Delachaux et Niestlé, 1999.

    Ducrot Oswald, Dire et ne pas dire, Ed/Hermann, 1991.

    Ducrot Oswald, La preuve et le dire, Ed/ Mauve, 1973.

     Ducrot Oswald, Le dire et le dit, Ed/ De minuit, 1984.

      Eco Umberto, Le signe, Ed/Labor, 1988.

 

    Ouvrages sur la poésie populaire :

      Dib Mohamed Souheil- Marouf  Nadir, Anthologie du chant hawzi et ‘arubi, Ed/ El-Ouns, 2003.   

        Dellai Ahmed Amine, Chansons de la Casbah, Ed/ Enag, 2003


[1] Anne Ubersfeld, Lire le théâtre II l’école du spectateur, Ed/ Belin, 1996, p. 41.

[2] Gilles Gostaz in Spécial théâtre d’Algérie, Ed/Ubu, 2003, p. 28. n° 27

[3] Kebir M.A. Ammi, Evocation du hallaj, Ed/ Presse de la renaissance, 2003, p. 08.

[4] Maurice Blanchot, Le livre à venir, Ed/ Gallimard, 1959, p. 21.

[5] Albert Memmi, La poésie algérienne de 1830 à nos jours, Ed/ école pratique des hautes études,  1963, p. 09

[6] Luc Norin et Edouard Tabaray, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, Ed/ Du seuil, 11967, p. 23.

[7] Algérie- actualité, semaine du 14 au 20 janvier 1988, n° 1161. 

[8] Mikhaiel Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au moyen –âge et sous la renaissance, Ed/Gallimard, 1970, p. 149.

[9] A.Alloula in Algérie-Actualité semaine du 14 au 20 janvier 1988. n° 1161.

 
 
 



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