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Auteur de Chouchou et de Salut Cousin ! , le réalisateur franco-algérien Merzak Allouache revient sur le tournage de Harragas, un constat sans concessions et sans pathos sur les conditions de traversée des immigrés clandestins, prêts à sacrifier leur vie pour quitter le pays.

 

Harragas est un film ultra-réaliste qui semble définir une très fine limite entre le documentaire et la fiction. Sur quels éléments vous vous êtes basés pour construire le film ?

 

Je suis surtout un cinéaste de fiction, je n'ai fait que peu de documentaires. Pour un sujet pareil, celui de ces nouveaux « boat people », je savais d'emblée qu'un documentaire allait être très difficile à réaliser à cause de son caractère très secret. J'ai donc opté pour la fiction. Pour se rapprocher au plus près du réel, j'ai dû m'informer à partir d'articles de presse, d’enquêtes, de contributions de psychologues, de sociologues qui ont beaucoup travaillé sur ce domaine ; mais également de rencontres avec des jeunes qui ont été candidats à ce départ et qui se sont fait attrapés. J’ai ainsi pu collecter beaucoup d'anecdotes et de petites histoires pour enrichir mon scénario. Et dans un deuxième temps, je suis allé tourner dans la ville de Mostaganem, qui est à la fois un véritable lieu de passage d’où partent beaucoup de jeunes clandestins mais qui est en même temps une ville de tradition de théâtre amateur. Lorsque j'ai lancé le casting, j'ai obtenu encore plus d'informations grâce aux jeunes de la ville très au courant sur ce phénomène.

 

C’est justement grâce à ce réalisme que la séquence de la traversée est aussi saisissante !

 

Nous avons utilisé une caméra HD pour la séquence de la traversée avec laquelle on a accompagné cette minuscule barque de 5 mètres. C'était vraiment un tournage un peu à l'artisanale. Vraiment pas évident ! D’autant plus que parmi l'équipe, beaucoup n'était pas réellement des spécialistes de la mer et nous avons tourné pendant un hiver très rude. Cela a en quelque sorte montré la dureté du voyage que subissent ces " harragas ".

 

Même si on les devine, vous ne montrez pas vraiment les motivations de chacun de vos personnages à quitter le pays. Est-ce un choix de votre part ?

 

C'est un choix, oui. Je voulais surtout parler de la traversée. Certes, il y a quelques petites choses qui sont évoquées dans la première partie, très brièvement, presque en filigrane. Mais c'est surtout sur la barque, pendant la traversée, que j'ai voulu montrer les contradictions et la tension qui règne au sein de la société algérienne à travers les conflits qui se dessinent entre les voyageurs.

 

 

 

Le film, notamment à son dénouement, présente un constat très pessimiste sur la radicalité de la politique d’immigration aujourd’hui.

 

Je voulais tout d’abord montrer que cette forme de traversée était littéralement une opération suicidaire pour ces jeunes. Lorsqu’on les entend préférer être mangés par les poissons que rester au pays, c’est quand même grave ! Deux problèmes majeurs se posent : ce rapport trouble de l’appartenance au pays que ressentent beaucoup de jeunes algériens ; mais également cette mer méditerranée que l’Occident a définie comme un genre de « mur de Berlin » empêchant la libre circulation de la moitié de l’humanité. C’est cette rage de l’enfermement qui ronge la jeunesse algérienne. Lorsqu’on entend Berlusconi créer le permis de séjour à points : j’ai alors besoin de témoigner, tout simplement, et de montrer que les choses aujourd’hui ne tournent pas rond.

 

Le film sortira-t-il en Algérie ? Comment pensez-vous qu'il sera reçu ?

 

Oui, il sortira. Je ne sais pas comment il va être reçu, mais le film existe et c'est déjà suffisant.

 

Malgré le succès de Chouchou , vous vous faites très discret au cinéma… Vous avez du mal à obtenir des financements à cause de la portée politique de vos films ?

 

C’est peut-être parce que je navigue un peu entre la comédie et les films plus sérieux ; je passe d'un genre à l'autre. Ca ne me gêne pas à partir du moment où je peux faire mes films. Pour Harragas, je n'ai pas obtenu le même financement que celui de Chouchou, mais j'ai pu montrer l'histoire que j'avais envie de raconter. Maintenant, il est possible que je revienne à quelque chose de plus léger. Par exemple, je prépare actuellement une comédie pour France 2 mais qui traite toujours du problème de la circulation. Je viens d'une génération qui a beaucoup circulé, et cette circulation devient un problème grave, donc j'essaye d'en parler !

 

Ravith Trinh

Source : mondomix


 
 



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