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TAHA EL AMIRI

 « Il faut cesser de dénigrer Bachetarzi »

Peu d’Algériens connaissent la troupe artistique du FLN autant que son équipe de foot. C’est en partie pour combler cette lacune que la maison de la culture de Témouchent a invité à une rencontre autour du thème du théâtre et de la Révolution, cela à la faveur de la célébration du 1er Novembre.

Taha El Amiri, témoin et acteur de cette épopée, est venu en parler avec Noual Brahim, conseiller artistique au TNA, professeur d’art dramatique qui, lui, a eu à accomplir un travail de recherche sur la troupe. Tour à tour, l’un et l’autre ont présenté une communication que nous avons complétée par un entretien avec la complicité de Noual Brahim, pour pousser dans ses derniers retranchements Taha El Amiri sur des questions « sensibles » de l’histoire du théâtre algérien. Ainsi, inévitablement, Mahieddine Bachetarzi a été au centre du propos : « Non, Bachetarzi n’était pas un collabo », s’est-il exclamé, « il a interrompu toute activité théâtrale lorsque le FLN a ordonné la cessation de toute activité artistique, il a donné un contenu plus engagé à son théâtre à partir de 1952 lorsque le MTLD a pris en main les municipalités et qu’il pouvait s’engager plus. Mais si Mahieddine n’était pas de la troupe du FLN, c’est parce qu’on ne lui avait pas fait appel comme d’ailleurs, à beaucoup d’autres. Les circonstances ont fait, qu’il n’était possible de réunir que ceux qui étaient à l’extérieur de l’Algérie ou, qui étaient dans le maquis comme Mohamed Zinet. » Et quand on accule El Amiri pour lui rappeler que Bachetarzi était en France, tout comme lui, il finit par confirmer un secret de polichinelle : « Il y a eu un problème de préséance qui, hélas, a privé la troupe de la contribution de Mahieddine qui, lui seul, jouissait d’une notoriété auprès du public à l’échelle du Maghreb. C’était un accident de parcours ». Pour rappel, il faut revenir à 1947, alors que Mustapha Kateb, qui avait milité pour l’institution d’une saison théâtrale arabe à l’Opéra, allait en être nommé directeur. Finalement, le MTLD, qui participait alors à la municipalité d’Alger, avait imposé Bachetarzi. Pour celui qui ignore ce qu’est une rivalité artistique, il parait difficile de réduire à cela uniquement le fait que Kateb, mandaté par le FLN, n’ait pas fait appel à son aîné. A cet égard, rappelons encore que la municipalité MTLD écarta Bachetarzi et lui préférera à la tête de la saison théâtrale arabe 1949/1955, son militant Mohamed Errazi et néanmoins comédien, auteur dramatique et metteur en scène. Kateb, lui, était catalogué communiste. « Mais, cessons de comparer les uns aux autres, de les opposer et de leur faire de mauvais procès », Lorsqu’on rappelle à Taha El Amiri que Bachetarzi a tout de même chanté la Marseillaise, il éclate : « Mais qui à l’époque n’a pas chanté et la Marseillaise et Maréchal, nous voilà ? C’est vrai que lui, il la traduite, mais lisez le texte en arabe, c’est un vrai chant révolutionnaire ! » Sur l’étiquette dépréciative de « théâtre bachetarzien », El Amiri proteste : « C’est trop péjoratif et trop injuste de porter un jugement de valeur sans tenir compte de l’époque, de la censure, du public d’une société colonisée, livrée à l’analphabétisme et à la misère intellectuelle. Comment voulez-vous que les pièces de Molière ne prennent pas une coloration moraliste et que leur fond n’en pâtisse, alors que par ailleurs, c’était jusqu’aux comédiens qui n’avaient qu’un niveau d’instruction primaire ? Vous savez, le grand mérite de Bachetarzi, c’est d’avoir donné une assise au théâtre en Algérie. Il a été l’un des trois pères du théâtre algérien, mais c’est avec lui que le théâtre a pris racine. Allalou a fait une pièce, Djeha, qui a certes ouvert la voie mais il s’est vite retiré et Ksentini, lui, était mort. C’est Bachetarzi qui a assuré la permanence de l’activité. C’est grâce à lui qu’un public de théâtre a été constitué entre 1947 et 1956. Ses pièces, ce n’était pas du sketch-chorba, c’était 1h30 de spectacle, soit trois actes d’une demi-heure suivis d’une heure de variétés musicales. C’est grâce à lui que des comédiens ont été formés. J’avais derrière une formation de deux années et demie au sein du centre dramatique régional, mais je n’ai véritablement appris mon métier de comédien qu’avec Mahieddine. Camper 34 ou 35 personnages dans l’année, c’est autrement plus formateur. C’est encore lui qui a suscité des auteurs. Avez-vous idée de ce que représente d’écrire et de monter chaque semaine, une pièce pendant une saison de huit mois ? C’est infernal. Par exemple, nous avec Errazi, on s’est essoufflé au bout de trois mois ! »

M. Kali

 

 


 



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