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Roger Assaf, l’un des plus grands hommes du théâtre libanais et arabe a mal au théâtre

La nécessité  du théâtre

Par Roger Assaf

 

    D’une manière ou d’une autre, le théâtre ne fait que régresser et il apparaît comme voué à l’extinction. En tout état de cause, on lui a ôté au profit du cinéma et de la télévision les prérogatives d’interprétation et les lieux privilégiés de l’imagination collective : filmer les fantasmes, les obstacles, les légendes ou les contes de la vie et de la nature. Tout  prête à croire, à l’extérieur, et à considérer le travail théâtral comme un métier artisanal usé et un résidu d’une civilisation passée. En plus, le théâtre ne jouit pas des mêmes avantages alloués aux autres arts. Il n’existe pas de mordus de théâtre comme pour l’Opéra ou le Ballet. Il dispose d’un public spécialisé et il est régi par une subvention qui assure juste la diffusion de représentations théâtrales conventionnelles. Si tous les avis convergent vers une vérité qui est celle de la  renaissance spontanée du théâtre en accord avec une nécessité directe, il peut aussi mourir spontanément dès que cette nécessité disparaît. Ceci ne traduit-il pas l’idée que le théâtre est libre de tous les gages de l’histoire, des us ou des différentes mœurs ?

    Il est pour ainsi dire, par nécessité, un art vivant, présent et marqué par la présence d’esprit du monde, sinon il serait déserté. Il est à noter, qu’au moment où on est saisi de peur quant à sa léthargie, une nuée de manifestations est organisée ici et là : ouverture d’instituts d’art dramatique, d’ateliers, des festivals, le théâtre à l ‘école, dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les quartiers, chez les sourds muets, et d’autre part, le théâtre reçoit les autres arts et s’y développe avec, dans des styles nouveaux et surprenants,  reposant sur les arts plastiques, la chorégraphie, la musique et les numéros de cirque, ou sur la technologie moderne dans le domaine de l’éclairage, des data show (projection d’images ou de films), happenings, installation, performing arts……..

    La nécessité théâtrale est-elle arrivée à terme ou revenue à ses espaces originels ? L’intérêt porté par la jeunesse pour le théâtre comme espace d’expression est intense et flamboyant. La nouvelle génération théâtrale existe. Elle se démarque par rapport de tout ce qui a été hérité. Elle voit le monde différemment. Elle utilise le langage et les signes en les soumettant à ses désirs.  Elle interpelle le monde par des questions qui la concernent directement. On entend sans doute le bruit de pas nouveaux qui veulent intervenir dans l’instauration d’un climat culturel réel. C’est pour cela qu’il  ne faut pas les qualifier d’efforts expérimentaux à la marge des travaux d’expérimentation. Loin de la bonne ou mauvaise qualité et du plaisir intense qu’on peut procurer, nous avons besoin aujourd’hui de découvrir les prétentions théâtrales vivantes qui se débattent dans un océan ou sur la rive de nos entreprises culturelles. 

    Rares sont celles qui franchissent leurs portes ; ce sont des prétentions et des désirs qui s’évaporent rapidement et leur déperdition peut passer inaperçue , sans que les nécrologues de la culture s’en rendent compte ( ceux qui annoncent la mort de la culture et qui dénoncent la décadence actuelle ). La question ne se pose nullement en termes d’un conflit de générations ni à l’apparition des nouveaux courants qui s’opposent aux différentes écoles établies et suivies. La question est de savoir  comment opérer et travailler dans le théâtre aujourd’hui ? Comment doit -on se comporter par rapport au délitement politique, à la pollution culturelle, à la corruption des valeurs morales, au bazar économique? Que créer et comment créer ? Comment peut-on créer des ponts de continuité avec un public dans une ville où les routes qui doivent vous conduire au théâtre font défaut, une ville dont les contours n’ont pas la possibilité de se rencontrer dans l’espace de la citoyenneté ?

    Le danger, dans le regard porté sur «  le théâtre des jeunes » ou « le théâtre pour jeunes », réside dans le leurre qu’on peut se faire en le considérant comme « Théâtre de rechange ». On s’imaginera, alors, qu’il existe aujourd’hui des succédanés et des espaces de remplacement prêts à investir les lieux et à relever les anciens par de nouvelles pièces qui reproduiront la  même conception culturelle alors que la  véritable question interpelle : « le renouveau du théâtre et de son espace » rabougri et usé  par le  vide culturel prédominant.

    Le plus grand rêve aujourd’hui traversé par la modestie, tout simplement retrouver un espace où la parole est sereine et protégée contre l’enlèvement et le kidnapping. Notre vœu aujourd’hui réside dans la réalisation de ce rêve. Il est dispensé de l’impact de l’usure culturelle, qui abrège l’espace de l’imagination, entre une défaite d’une révolution et le cauchemar d’une nouvelle guerre sans conflit apparent, sans aucune prétention ambitieuse engagée et sans aucune volonté de changement.

    Au contraire, cet engouement de la jeunesse contient des principes et des éléments théoriques fortement liés et attachés à l’ancienne génération qu’on ne peut exclure. La plupart d’entre eux sont déçus de leur héritage. Ils souffrent de l’instabilité et des conditions d’emploi. Ils installent leur théâtre presque clandestinement dans des espaces qu’ils créent eux-mêmes ou qu’on leur offre au compte gouttes.

    Il me paraît évident que leurs expressions sont éclatées et éparpillées. Elles renferment surement des désirs vivants qui cherchent à  être reconnus Ce qui nécessite une confrontation réelle avec les institutions culturelles. La nécessité théâtrale est-elle arrivée à son terme ou s’est-elle réactivée ?

    La question est liée à l’expression culturelle qui est  elle-même considérée comme une simple expérience.

    L’optimisme possible repose sur  la faculté et la capacité de produire une  vision et une image d’une adolescence enlisée et résignée sous l’empire de l’argent et des intérêts et le respect de la liberté et de cette angoisse qui délie, en nous, et engendre divers questionnements.

    N’est-ce pas que l’art est un voyage dans l’univers des questionnements et des interrogations ?

                                                                                           

 

 

 


 
 



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