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Le Théâtre français contemporain
PAR MICHEL VINAVER

« Le Théâtre français contemporain »

L’entre-deux guerres (années 20 et 30)

1er ensemble d’événements clés : un théâtre engagé

2e ensemble d’événements clés : un théâtre de l’absurde

3e ensemble d’événements clés : le théâtre du cérémonial

4e ensemble d’événements clés : un théâtre de metteurs en scène

5e ensemble d’événements clés : un théâtre qui n’est plus fondé sur le texte

6e ensemble d’événements clés : un Théâtre du quotidien

État des lieux en 1990

En tant qu’écrivain de théâtre, je fais partie du paysage que Jindrich Pokorny2 m’a demandé de vous présenter. Je ne suis donc pas un observateur neutre, ni un témoin impartial qui serait capable d’un regard froid et objectif, dénué de parti-pris ou de passion. Cet avertissement étant fait, je tâcherai de dégager, en une heure, les reliefs principaux qui constituent ce paysage – le paysage du théâtre français contemporain.

Les lieux de théâtre, et les gens de théâtre, ont joué un rôle central dans les grands évènements politiques qui, depuis l’automne dernier, ont changé la face de votre pays.

Moi, je viens d’un pays où le rôle du théâtre dans la politique et dans la société est réduit à rien ou presque rien.

Ce n’est sans doute pas un hasard. La fonction du théâtre s’affirme d’autant plus fortement que la société subit un régime de tyrannie – engendrant une résistance – ou traverse une période de crise – appelant la recherche d’une nouvelle relation de l’homme à lui-même, au monde, à la Cité…

Est-ce à dire qu’en France le théâtre s’est marginalisé parce qu’en France nous avons la chance de vivre dans un pays où les choses vont le mieux possible ?

La réponse est oui et non. Les choses vont pour le mieux dans ce sens que nous avons la démocratie, nous avons une économie prospère, et nous avons la paix civile – sans qu’aucun de ces trois éléments paraisse menacé aujourd’hui.

1En même temps les choses ne vont pas le mieux possible et il y a des menaces, mais sur un plan moins facilement définissable : effacement des valeurs, repli sur soi, égoïsme, goût de la facilité, emprise de la consommation au détriment de la culture, vide ou désordre mental : voici quelques-uns des termes qui viennent à l’esprit  quand on essaie de diagnostiquer la fatigue de la société française – fatigue ou langueur qui est, peut-être, le corrélat difficilement évitable de la trinité paix-liberté-prospérité…

Toujours est-il que ce tableau de la France, brossé en quelques mots, fait qu’il y a aujourd’hui un déséquilibre entre l’offre et la demande dans le domaine du théâtre. L’offre ne cesse pas d’augmenter… Je veux dire qu’il y a de plus en plus de compagnies théâtrales, de plus en plus de spectacles produits chaque année ; autrement dit, de plus en plus de gens font du théâtre, ce qui est une réaction compréhensible à la disparition de tout idéal collectif ou combat à mener ; et en même temps il y a de moins en moins d’intérêt pour le théâtre dans l’ensemble de la population ; avec pour résultat que, de plus en plus, les spectateurs de théâtre sont les gens de théâtre, et que l’art théâtral tourne en rond, coupé de tout véritable besoin (autre que le besoin de ceux qui le font…).

Ceci ne veut pas dire qu’il ne peut rien se passer d’important au théâtre dans la situation française ; mais ceci veut dire que les choses importantes, s’il s’en passe, peuvent très bien ne pas avoir de résonance immédiate, ne pas être enregistrées par la conscience collective. Parce qu’elles explorent des pans de réalité sur lesquels la société parvient à fermer les yeux.

Pour cette raison, une photographie de la situation du théâtre en France en 1990 risquerait d’être peu lisible, serait nécessairement confuse. Il me semble plus utile de vous proposer un film : celui de l’histoire contemporaine de ce théâtre, en partant d’un tableau rapide de l’entre-deux guerres, puis en abordant à tour de rôle les cinq ou six ensembles d’évènements clés qui ont marqué la période allant de la fin de la Seconde Guerre mondiale à aujourd’hui. La façon dont se sont succédés – ou plus souvent imbriqués – ces ensembles d’évènements devrait jeter quelque lumière sur l’état des lieux au moment où je vous parle.

L’entre-deux guerres (années 20 et 30)

Le Boulevard est roi. Le Boulevard, c’est la mise en scène par la bourgeoisie de sa bonne conscience. C’est un théâtre obéissant à un petit nombre de recettes qui servent une idéologie sclérosée et une esthétique convenue à base d’intrigues d’intérêt d’argent et de chambre à coucher, de mots d’auteur et d’effets de scène. C’est un théâtre entièrement parisien (Il n’y a aucune vie théâtrale en dehors de Paris). Les auteurs à succès s’appellent Bourdet, Pagnol, Bernstein, Guitry.

Un homme a surgi, qui a ébranlé les colonnes de ce temple, qui a dénoncé l’imposture ou la vanité de ce théâtre, et qui a proposé une alternative : c’est Jacques Copeau.

Lui, et ses disciples – Dullin, Jouvet, Baty, Pitoeff qui ont formé en 1927 le fameux Cartel – ont effectué un puissant travail de régénération de l’art théâtral :

Au plan du répertoire, en introduisant l’œuvre de Pirandello, de Tchekhov, des Elisabéthains, mais aussi de nouveaux auteurs français : Giraudoux, Jules Romains, Cocteau, Salacrou, Anouilh.

Au plan de la dramaturgie, en y introduisant une exigence éthique aussi bien qu’esthétique, fondée sur l’esprit de recherche, la simplicité et l’exigence de vérité ; en mettant aussi l’accent sur la dimension poétique du travail théâtral.

L’influence de ces réalisateurs s’est avérée durable au point qu’aujourd’hui encore, au travers de toutes les formidables mutations qui s’en sont suivies, les noms de Copeau, Jouvet, Dullin, conservent leur pouvoir de rayonnement et leur vertu d’exemple.

Le Boulevard n’est pas mort pour autant, mais il a été réduit à un secteur limité de la vie théâtrale.

Vient la guerre. Viennent l’Occupation, la Résistance, puis la Libération. Que va-t-il se passer ?

1er ensemble d’événements clés : un théâtre engagé

Oui, le théâtre s’engage. L’engagement est politique, social, philosophique et, on pourrait ajouter : pédagogique. Il prend plusieurs aspects. J’en mentionnerai cinq :

 En 1944, création de trois pièces marquantes : Antigone d’Anouilh, Huis-Clos de Sartre, Le Malentendu de Camus.

Anouilh est un dramaturge déjà célèbre. Sartre et Camus deux jeunes auteurs en train de faire une percée fulgurante. L’œuvre théâtrale de ces trois auteurs se caractérise par la conviction que rien ne vaut le théâtre pour porter devant le public un débat d’idées. Or, autant le contenu idéologique de leurs pièces a pu paraître actuel, autant on constate aujourd’hui que leur dramaturgie clôturait une époque : le chant du cygne, peut-on dire, de la forme canonique du drame du 19e siècle.

Autrement important est un événement qui se situe sur un tout autre registre. Il s’agit de la Décentralisation. Au cœur de cet événement, une jeune femme, Jeanne Laurent, fonctionnaire subalterne, sous-directrice du bureau des spectacles au ministère de l’Éducation Nationale. Seule contre tous dans l’administration d’État, elle capte les attentes et les énergies issues de la Résistance, et réussit à mettre en place, entre 1947 et 1952, un réseau de Centres Dramatiques Nationaux dans diverses villes de Province : Saint-Étienne, Grenoble, Toulouse, Rennes, Strasbourg. Ce sont des centres à la fois de création théâtrale et d’animation culturelle, ils sont subventionnés par l’État, et confiés à de jeunes metteurs en scène enthousiastes, qui s’appellent Dasté, Gignoux, Sarrazin, Saint-Denis.

C’est un tournant. C’est même une révolution, et le paysage théâtral français en sera modifié de façon durable. D’abord, le théâtre en France n’est plus seulement parisien, et c’est même en province que se produiront certains des évènements théâtraux les plus importants de l’après-guerre. Ensuite, le financement de la création et de l’activité dramatique par l’État correspond à une idée toute nouvelle : celle du théâtre considéré comme un service public. Depuis lors, cette idée a fait son chemin, au point qu’aujourd’hui il existe en France cinq théâtres nationaux et trente-cinq centres dramatiques nationaux, à quoi s’ajoute un système de subventions à des compagnies indépendantes qui permet à plusieurs centaines de celles-ci de fonctionner à travers le pays.

Et puis il y a l’événement Vilar. Jeune metteur en scène d’avant-garde qui n’avait travaillé, jusqu’alors, que dans de petites salles parisiennes, Jean Vilar crée, en 1947, la « semaine d’Avignon », qui devient l’année suivante le Festival d’Avignon. Trois ans après, l’extraordinaire résonance de ce qui se produit à Avignon conduit Jeanne Laurent à proposer à Vilar de créer à Paris, au Palais de Chaillot, une nouvelle institution : le Théâtre National Populaire. Entre Avignon et Chaillot, Vilar renouvelle radicalement tous les composants du théâtre : l’espace, la lumière, le jeu de l’acteur, le répertoire, mais aussi et surtout le public et la relation au public. Vilar rêvait d’un théâtre qui devienne, au sens plein du terme, populaire, qui s’adresse aux ouvriers autant qu’aux autres classes de la population. Cette utopie ne s’est pas réalisée (le pourcentage d’ouvriers dans le public n’a jamais dépassé les 6 %) et le constat d’échec est une des raisons qui a conduit Vilar à ne pas demander le renouvellement de son contrat à Chaillot en 1963. Il n’en reste pas moins que Vilar est l’homme qui en France a conçu, et pour une large part réalisé, l’ambition d’un théâtre qui soit à la fois une fête ouverte à tous, et un instrument pointu de découverte.

Brecht a pris d’assaut la France. Cela a commencé avec la mise en scène de L’Exception et la règle, en 1950 dans un petit théâtre parisien, par Jean-Marie Serreau – dont nous reparlerons. Brecht lui-même, avec le Berliner Ensemble, est venu présenter à Paris Mère Courage en 1954 et Le Cercle de Craie Caucasien en 1955. Un metteur en scène de 19 ans, Roger Planchon, qui créait, en 1950, le premier théâtre permanent en province – à Lyon, une toute petite salle de 95 places – y présentait quatre ans après La Bonne âme de Sé-Tchouan. Vilar avait, de son côté, réalisé une mise en scène de Mère Courage au TNP, bientôt suivie de celle d’Arturo Ui. La revue Théâtre Populaire, créée en 1953 dans la mouvance de Vilar, devenait l’organe de propagation des idées de Brecht en France. L’influence de Brecht a été décisive – moins sur les auteurs que sur les metteurs en scène, notamment Planchon, mais aussi Gabriel Garran, Guy Rétoré et Bernard Sobel, qui ont créé entre 1961 et 1963 les trois premiers théâtres dans la banlieue ouvrière de Paris – il y en a maintenant près d’une douzaine.

De 1951 à 1963, en douze ans, le TNP de Jean Vilar a donné deux mille représentations devant des salles généralement combles de deux mille spectateurs. Il a touché ainsi plus de quatre millions de spectateurs, qui se souviennent encore du Cid ou du Prince de Hombourg avec Gérard Philipe et Maria Casarès. C’était la première fois que Kleist était joué en France. Mais Vilar n’a pas réussi à faire admettre par le grand public de Chaillot les œuvres de jeunes auteurs qu’il y a présentées. C’est pourquoi le TNP a ouvert une seconde salle, plus petite, le Récamier, où Vilar a monté, en 1959, la première pièce d’Armand Gatti. Grand poète lyrique à la Walt Whitman, Gatti est aussi un combattant, dont les pièces sont autant de batailles contre toutes les formes d’oppression : elles traitent des camps de concentration nazis, de Sacco et Vanzetti, du fascisme de Franco, de la lutte révolutionnaire irlandaise, de la guerre du Vietnam, de Che Guevara, du régime carcéral en France. Gatti utilise rarement les théâtres. Il va sur le terrain et monte lui-même ses pièces avec des amateurs, jouant dans les rues, dans les usines, dans les prisons. C’est le théâtre d’intervention, ou d’agitation ; et d’autres metteurs en scène ont suivi cet exemple, parmi lesquels Alain Françon et André Bénédetto : un théâtre conçu comme une action de guérilla.

Moins agressive sans doute, mais engagée elle aussi, Ariane Mnouchkine, fondatrice du Théâtre du Soleil, a conquis un immense public avec 1789, à la fois grande fête théâtrale et grande opération pédagogique autour des valeurs de la Révolution Française, dont l’invention a consisté dans un système de montage de fragments de textes et témoignages de l’époque, qui procurait au public le sentiment de vivre l’événement en direct.

2e ensemble d’événements clés : un théâtre de l’absurde

Tout commence en 1950 avec la création de la Cantatrice Chauve de Ionesco, et de L’Invasion d’Arthur Adamov, puis en 1953, de En Attendant Godot, de Beckett :

Trois nouveaux auteurs, l’un roumain de naissance, l’autre russe, le troisième irlandais, et qui vont, au long des années cinquante, révolutionner l’écriture théâtrale française.

Par rapport à l’engagement, nous sommes ici à l’autre pôle : il s’agit pour le théâtre d’exprimer le néant de l’existence humaine, et pour ce faire, il faut détruire tous les ingrédients traditionnels de la dramaturgie : l’intrigue, les personnages, l’inscription dans un temps réel et dans un espace réel, l’action même… Entreprise radicale qui va jusqu’à mettre en question la possibilité du langage.

Théâtre du désengagement, si l’on veut. Théâtre qui agit à la façon d’un acide pour mettre en évidence l’absence de sens. Théâtre tonique, néanmoins, dans la mesure où il secoue le spectateur dans ses convictions les plus enracinées. Théâtre comique, enfin, pour autant qu’il se fonde sur le décalage entre ce que l’on attend et ce qui vient… ou qui ne vient pas ! Théâtre de la dérision où le théâtre se rit du théâtre et l’anéantit en se réalisant.

Parmi les jeunes metteurs en scène qui montent ces œuvres dans de petites salles parisiennes, on trouve, paradoxalement, Vilar (avant Avignon et le TNP) mais surtout les deux infatigables découvreurs de nouveaux talents que sont Roger Blin et Jean-Marie Serreau. Joué d’abord devant quelques dizaines de spectateurs, ce répertoire va peu à peu gagner un large public et, surtout, faire reculer les limites de ce qui peut faire théâtre, tout en posant la question de la possibilité même de continuer à faire du théâtre…

3e ensemble d’événements clés : le théâtre du cérémonial

La première pièce de Jean Genet, Les Bonnes, est créée dès 1947 par un metteur en scène au sommet de sa gloire : Louis Jouvet. Les Nègres seront montés par Roger Blin en 1959, Le Balcon par Peter Brook en 1960, Les Paravents par Blin en 1966. Pendant vingt ans, ces pièces font scandale, parce qu’elles traitent de sujets scandaleux, et parce que leur auteur est un personnage scandaleux : voleur, traître et homosexuel. Ce qui compte c’est que l’œuvre de Genet, d’une superbe facture lyrique, introduit une nouvelle dramaturgie : celle du cérémonial.

Tous les rapports humains et sociaux sont faux par essence, il n’y a pas de réalité, tout est simulacre. Alors, que le théâtre joue à fond la carte du simulacre ! Qu’il célèbre le simulacre, qu’il l’exalte ! Il n’y a pas interaction entre les personnages chez Genet, mais incantation à plusieurs voix. Tout se passe comme si les personnages étaient déjà morts et jouaient à jouer leur propre vie, une vie réduite à un rituel sans substance.

Et de ce point de vue, le théâtre de Genet marque un courant qui n’a cessé de se développer jusqu’à ce jour dans l’écriture dramatique en France avec Marguerite Duras, Robert Pinget, Nathalie Sarraute, mais aussi, parmi les dramaturges allemands les plus représentés en France : Peter Handke, Achternbusch, Thomas Bernhard, Heiner Müller. On y observe un déplacement fondamental : le conflit dramatique qui se déroulait jadis dans un espace interpersonnel, prend désormais pour siège principal la vie intérieure du personnage. Le drame prend la forme d’une confession et d’un autoportrait. Le théâtre n’est plus une action se déroulant dans un présent donné (même ancien), il est le travail du passé dans l’intériorité. Le moi qui s’exprime n’est plus ancré dans le cosmos, ni dans la société, ni dans sa maison, il est seul, nulle part et se disloque. Il ne peut que jouxter la monstruosité et la mort. Il erre et il se remémore. Et le théâtre devient méta-théâtre en ceci que le personnage cesse de prétendre à toute altérité par rapport à l’auteur, c’est l’auteur parle à travers lui et qui vagabonde par la parole. D’où la tendance de ce théâtre à épouser la forme du soliloque narratif sans début ni fin. Pourquoi sans début ni fin ? Parce que le récit de vie s’enchâsse dans une temporalité et un espace devenus cérémoniels (cf. J.-P. Sarrazac, Théâtres Intimes, Arles, Actes Sud, 1989.)

4e ensemble d’événements clés : un théâtre de metteurs en scène

Jean Vilar professait comme règle de mise en scène le respect absolu du texte. « Le comédien digne de ce nom, a-t-il écrit, ne s’impose pas au texte. Il le sert. Et servilement. » Telle était aussi l’attitude de Serreau, de Blin et du metteur en scène sans doute le plus important de l’après-guerre avec Vilar, Jean-Louis Barrault, grand défricheur aussi, qui a eu le mérite notamment de révéler au public, dans les années quarante, l’œuvre théâtrale immense de Paul Claudel.

Avec Planchon, un tournant décisif se produit. L’innovation fondamentale qu’on lui doit c’est la notion d’écriture scénique. Pour lui, le théâtre est fait de la rencontre de deux écritures au sens plein du terme : l’écriture textuelle et l’écriture scénique. Au premier abord, rien là de très nouveau, et cela peut même paraître évident. Dans la pratique cependant, ce qui se passe avec Planchon, c’est un processus de subordination du texte aux exigences du spectacle dont le metteur en scène est l’auteur, je dis bien l’auteur, sans partage. Le texte devient un matériau scénique, un matériau parmi les autres du spectacle et on peut lui faire subir toutes les transformations qu’exige l’idée du spectacle.

1958 est une date importante. C’est celle de la première mise en scène par Planchon d’un grand classique français, George Dandin de Molière. Cette mise en scène a fait sensation. Il s’en est suivi d’autres de Molière (Tartuffe), Marivaux (La Seconde surprise de l’amour), Racine (Bérénice), mais aussi de classiques étrangers, Shakespeare (Henry IV, Troïlus et Cressida, Antoine et Cléopâtre, Périclès) qui réactualisaient, recréaient les chefs-d’œuvre du patrimoine. En fait, Planchon « réécrivait » ces œuvres par le traitement scénique qu’il leur apportait. On ne parlait plus du Tartuffe de Molière, mais du Tartuffe de Planchon. 

Une autre innovation que l’on doit à Planchon est la pratique du montage ou du collage. On découpe des fragments dans plusieurs œuvres dramatiques, et on les assemble pour constituer un spectacle. Planchon a procédé ainsi à partir des textes de Corneille, d’Adamov, d’Ionesco, du théâtre du Boulevard.

L’apport personnel de Planchon à l’avancement de l’art théâtral a été considérable. Mais surtout son exemple a servi aux metteurs en scène qui se sont révélés dix à quinze ans après lui, et qui, aujourd’hui encore, avec lui, dominent la scène française et détiennent les postes de pouvoir. Parmi ceux-ci, Patrice Chéreau, qui s’est fait connaître en 1966 avec L’affaire de la rue de Lourcine de Labiche et dont l’ascendant a pris le relais de celui de Planchon au cours des quinze dernières années ; Antoine Vitez, dont les débuts datent de la même année 1966 avec Électre de Sophocle, et qui est à la tête actuellement de la Comédie Française ; Jean-Pierre Vincent, qui s’est fait connaître en 1968 avec La Noce chez les petits bourgeois de Brecht et qui, après avoir dirigé le Théâtre National de Strasbourg puis la Comédie Française, vient de succéder à Chéreau comme patron du plus grand Centre Dramatique National : le Théâtre des Amandiers à Nanterre.

De plus jeunes metteurs en scène enfin, qui ont aujourd’hui entre trente-cinq et quarante-cinq ans, et qui s’appellent Lavaudant, Bayen, Engel, Mesguich, Fall, Adrien, ont fait leurs armes dans le sillage de Planchon. Chacun à sa façon, ils travaillent à partir de la certitude que le metteur en scène est le souverain maître de l’œuvre théâtrale, l’auteur ultime du spectacle.

Il faut « faire théâtre de tout », a dit Vitez, et notamment, il n’y a pas de raison de se limiter aux pièces de théâtre pour faire du théâtre. On peut théâtraliser un roman (et Vitez a fait un spectacle mémorable du roman d’Aragon, Les Cloches de Bâle, simplement en répartissant les fragments du récit entre les acteurs) ; on peut théâtraliser Les Essais de Montaigne, Les Confessions de Rousseau, le De natura rerum de Lucrèce, comme le fait actuellement Jourdheuil. On peut enfin écrire soi-même le texte des pièces que l’on met en scène, c’est le point d’arrivée logique de cette trajectoire : le metteur en scène se commande à lui-même le texte de son prochain spectacle. Le voici auteur, parachevant sa toute-puissance. Et là-aussi, Planchon s’est montré précurseur.

5e ensemble d’événements clés : un théâtre qui n’est plus fondé sur le texte

En 1968 vous avez eu le Printemps de Prague. En France, il y a eu le soulèvement de Mai 68… Un des épisodes mémorables en a été la prise d’assaut du Théâtre National de l’Odéon par les étudiants insurgés, qui voyaient là un symbole de l’establishment culturel. Le pouvoir gaulliste n’a pas manqué de congédier Jean-Louis Barrault, à qui l’on reprochait de n’avoir pas défendu la place. Un événement plus significatif encore a été, deux mois plus tard, au cours du Festival d’Avignon, la contestation violente apportée à Jean Vilar par une fraction du jeune public, contestation au nom d’un anti-théâtre qu’incarnait la représentation à Avignon, au cours de ces journées, de Paradise Now, par le Living Theater.

Il est frappant que cette même année 1968, la France ait goûté pour la première fois du Bread and Puppet au Festival mondial du théâtre de Nancy (fondé et dirigé par Jack Lang) ; du Grotowski avec son spectacle Akropolis montré à Paris ; du Barba avec l’Odin Teater qui présentait Ferai. Car Ferai, comme Akropolis, comme le Bread and Puppet, comme surtout Paradise Now, c’était l’irruption d’un théâtre fondé sur la transe de l’acteur, sur l’acte scénique pur se consommant dans l’instant même, une apothéose du cri et du geste. Le radicalisme du principe de l’autonomie de l’écriture scénique aboutissait à l’expulsion du texte.

Terme extrême d’une évolution qu’on peut faire partir des idées d’Antonin Artaud, telles qu’elles s’expriment dans son livre, Le Théâtre et son double, publié en 1938, et qui ont cheminé souterrainement pendant trente ans, ayant accouché, chemin faisant, du Happening, aux USA et en France : rien ne doit préexister à l’acte théâtral qui prend les allures d’un sacrifice… C’était une vague de fond et on peut y raccrocher l’entreprise de Ronconi  qui, venant d’Italie, a présenté à Paris en 1971, sous une halle de Baltard, son stupéfiant spectacle Orlando Furioso ; l’entreprise teintée de mysticisme de Peter Brook, qui crée un Centre International de recherche théâtrale dans une salle parisienne en ruine, les Bouffes du Nord ; les expériences de Gruber (Faust-Salpétrière, 1975). Parmi les jeunes metteurs en scène français, André Engel est celui qui va le plus loin dans le processus de transformation du spectacle théâtral en expérience initiatique sans plus aucun lien avec la représentation.

À cela, il faut rapprocher la multiplication de pratiques dites de création collective. Un peu partout en France des compagnies se constituaient pour faire du théâtre à partir d’un thème, et les comédiens improvisent leur texte au cours du travail. Le texte a le même statut que les autres composants du spectacle : les accessoires, les costumes, l’éclairage. Le moment culminant de cette pratique a peut-être été le très impressionnant spectacle monté par Ariane Mnouchkine et sa troupe du Théâtre du Soleil, L’âge d’Or (1975).

Mais l’événement de loin le plus important, dans cet ensemble, a été la découverte de Bob Wilson avec Le Regard du sourd en 1971 à Nancy puis à Paris. C’était un spectacle d’images, sans texte aucun, qui inaugurait une toute nouvelle dramaturgie ; et cette œuvre, suivie de plusieurs autres par Bob Wilson au cours des années suivantes, a créé un choc dont les répercussions n’ont pas été moindres que celles qui ont suivi la découverte de la dramaturgie du Berliner Ensemble. Aucun metteur en scène français n’a échappé à l’influence directe ou indirecte de Bob Wilson et de son théâtre, fait d’un agencement magique, envoûtant, d’effets visuels et auditifs sans intervention de la parole

6e ensemble d’événements clés : un Théâtre du quotidien

C’est à l’intérieur de cet ensemble qu’on peut situer mon propre travail. J’en parlerai comme d’un autre, à la troisième personne.

En 1973, on découvre à Paris la pièce de Kroetz, Haute-Autriche ; et à Avignon celle de Vinaver, La Demande d’emploi. Du même auteur, Planchon monte en 1974 Par-dessus bord au Théâtre National Populaire à Lyon puis à Paris. En 1975, c’est Liberté à Brême de Fassbinder, et la première d’un jeune auteur français : L’entraînement du champion avant la course par Michel Deutsch. L’année suivante une nouvelle pièce de Kroetz montée par Jacques Lassalle, deux nouvelles pièces de Deutsch, et surtout Loin d’Hagondange, la première pièce de Jean-Paul Wenzel, reprise un an après par Chéreau. En 1977, c’est Iphigénie Hôtel de Vinaver mise en scène par Vitez, et en 1978, du même auteur, Théâtre de chambre mise en scène de Lassalle. Enfin, en 1980, un jeune metteur en scène qui avait débuté dans le théâtre d’intervention, Alain Françon, monte Les Travaux et les jours  de Michel Vinaver. Je dis « enfin », non pas parce que ces quelques auteurs, allemands et français, ont cessé d’écrire ou d’être joués, mais parce que ça a été la fin de ce que l’on peut appeler l’événement. Un événement relativement modeste, dont la résonance est loin d’avoir été comparable à l’arrivée du brechtisme, ou de la réactualisation des classiques ou du théâtre d’images ; événement quand même dans la mesure où la communauté théâtrale et une petite fraction du public ont cru déceler l’émergence d’une nouvelle écriture et d’une nouvelle dramaturgie : ce qu’on a appelé le théâtre du quotidien.

Parmi les auteurs français regroupés sous cette appellation, Vinaver était le seul à ne pas être un auteur nouveau. Sa première pièce, Les Coréens avait été créée en 1956 par Planchon à Lyon, et en 1957 par Serreau à Paris – au moment même où culminaient le théâtre de l’absurde et un brechtisme pur et dur. Les pièces qu’il a écrites dans la foulée des Coréens ont attendu une quinzaine d’années avant d’être montées. Sans doute venait-il à contre-temps.

Le théâtre du quotidien part de la banalité de la parole émise par des gens quelconques dans des situations sans intérêt, c'est-à-dire de l’absence a priori de sens. Mais contrairement au théâtre de l’absurde, qui exalte le non-sens, toute la démarche ici consiste à remonter vers ce qui pourrait être un nouveau fondement du sens. Et cette démarche se fait au niveau moléculaire du langage.

Théâtre de texte, donc. Et si l’événement s’est en quelque sorte dissous avant de se constituer réellement, la cause en est sans doute, au moins pour une part, dans la conjoncture que j’ai décrite, où un théâtre fondé sur l’autonomie du texte allait à l’encontre de toutes les forces dominantes.

Quelques metteurs en scène obstinés, au premier rang desquels, il faut citer Vitez, Jacques Lassalle, directeur du Théâtre National de Strasbourg, et Alain Françon, directeur du Théâtre du Huitième à Lyon, se battent pour amener progressivement le public à cette dramaturgie qui privilégie l’oreille plutôt que l’œil.

État des lieux en 1990

Le théâtre en France se porte bien, si l’on en juge par la multiplication des entreprises de théâtre. Le nombre annuel de créations professionnelles dépasse aisément le millier.

La révolution de la Décentralisation est une éclatante réussite. Outre les cinq théâtres nationaux et les trente-cinq centres dramatiques nationaux, l’État subventionne près de cinq cent compagnies théâtrales alors qu’il y en avait moins de deux cents en 1981. Ces quelques cinq cents compagnies ne représentent que la moitié de celles qui sont recensées en activité. Jamais il n’y a eu un tel foisonnement, qui est signe apparent de vitalité.

Le financement de l’ensemble de ces entreprises – qui constituent le secteur public – est assuré pour trois-quarts par l’État et pour un quart par les recettes. Le secteur privé est réduit à une cinquantaine de salles, toutes à Paris, où se retranche le théâtre commercial ou de boulevard. En même temps que l’on assiste à la prolifération de la production, la fréquentation globale des salles de théâtre, entre 1973 et 1987, est tombée de près de 40%. Cette baisse du public traduit le déséquilibre croissant entre l’offre et la demande : augmentation de l’activité et désaffection progressive de la population à l’égard de celle-ci.

La pratique théâtrale française n’a plus de centre. Le centre dans les années trente, ça a été Copeau et le Cartel. Le centre, dans les années cinquante, a été Vilar avec le Théâtre National Populaire et le Festival d’Avignon. Le centre dans les années soixante, a été Planchon et le théâtre de la Cité qui devient bientôt Théâtre National Populaire. Le centre, enfin, au début des années soixante-dix, a été Mnouchkine et le théâtre du Soleil. Ces centres irradiaient l’ensemble de la vie théâtrale française et y exerçaient une influence unifiante. Depuis une dizaine d’année, c’est la dispersion. La production théâtrale s’est élargie, elle s’est diversifiée, mais elle s’est aussi éparpillée et énervée.

Au foisonnement des entreprises répond le foisonnement des tendances et des formes :

a) Le théâtre de l’engagement est bien mort, et ceci va de pair avec la fin des idéologies, la fin des utopies et la fin de l’idée que le théâtre peut contribuer à transformer le monde et la relation de l’homme au monde. Sartre et Camus n’ont pas eu de descendance, le brechtisme est au musée, de même que l’ambition d’un véritable théâtre populaire assumant un service public, d’éducation et de fête, auprès de toutes les classes de la population.

b) Le théâtre de l’absurde est bien mort, du moins en tant que mouvement : Ionesco et Beckett ont rejoint le rang des classiques.

c) Le théâtre du cérémonial, par contre, est omniprésent et semble bien correspondre à la sensibilité de l’époque. Un grand nombre d’auteurs, y compris les plus jeunes, un grand nombre de metteurs en scène et de productions se situent dans cette mouvance qui privilégie le monologue à une ou plusieurs voix, l’errance de la parole célébrant un moi libéré de toute attache à un présent vivant sur lequel l’homme aurait prise. C’est le théâtre qui fait théâtre de lui-même, dans une sorte de solipsisme qui a une odeur de mort.

d) Le théâtre de metteur en scène s’essouffle, dans un double mouvement d’inflation et d’usure. L’inflation s’observe dans l’hypertrophie du spectaculaire – dans la hausse vertigineuse du coût des décors, des éclairages et des effets sonores, où il faut toujours aller plus loin dans le luxe et la sophistication. Chacun veut reculer les limites de ce qui peut étonner, et dépasser en splendeur ce que font les autres. Hypertrophie du vedettariat, aussi, avec les metteurs en scène qui font de plus en plus appel à des stars de cinéma pour donner plus d’éclat médiatique à leur distribution. Inflation, mais aussi, usure. Ce sont les mêmes, depuis vingt-cinq ans, qui sont au pouvoir dans des organismes nationaux ressemblant à d’orgueilleuses forteresses où ils sont retranchés, avec de moins en moins de renouvellement dans l’ambition réelle, celle qui se rapporte à la création. Et le public se lasse d’assister à des spectacles qui souvent ne sont plus que l’étalage de la science et de l’audace formelle de leurs auteurs. La relève est confuse, incertaine, parce que l’État n’ose pas, ou n’a pas les moyens, de mettre fin à des fins de règne qui n’en finissent pas.

e) On peut parler d’usure, aussi, à propos du théâtre sans texte, du théâtre fondé sur l’image et le geste. La grande excitation est passée, et aussi bien les praticiens du théâtre que les spectateurs se sont rendu compte de l’impasse dans laquelle finissait par se trouver un théâtre qui n’est pas irrigué, vitalisé, par une parole agissante.

f) À partir de tout ceci, quelle est la situation de l’écriture théâtrale aujourd’hui ?

D’abord, il n’y a pas, depuis Ionesco et Beckett, d’auteurs connus, ni par le grand public, ni même par l’intelligentsia. Des metteurs en scène connus, il y en a quelques uns. Mais pas un seul auteur dont la notoriété dépasse le cercle étroit de praticiens et de connaisseurs.

On peut penser que c’est parce qu’il n’y a plus d’auteurs construisant une œuvre marquante, les derniers ayant été Ionesco et Beckett. On peut penser que l’écriture théâtrale est arrivée au terminus avec Beckett, que le théâtre a implosé et qu’il n’y a plus rien à en attendre ; on dit qu’avec le règne des metteurs en scène, les auteurs sont devenus les fournisseurs des metteurs en scène : ils fournissent des textes dont la nature et le statut se comparent à ceux de livrets d’opéra ou de scénario de film. Les pièces qui s’écrivent aujourd’hui n’auraient pas d’autonomie e                                                         n tant qu’œuvres littéraires.

Ceci est sans doute vrai pour la majeure partie de la production de textes de théâtre, les auteurs ayant été dépossédés, par la révolution de la mise en scène, de l’aura de prestige à laquelle ils pouvaient accéder par le passé. La critique a joué et joue encore un rôle important dans cette dépossession. Les médias s’intéressent à suivre le parcours d’un metteur en scène d’une pièce à l’autre, pas au parcours d’un auteur d’une pièce à l’autre. Pour un auteur, la mémoire collective ne se constitue pas. Il est vrai enfin que, contrairement au passé, les romanciers importants n’écrivent pas pour le théâtre. Un fossé s’est creusé entre la littérature et le théâtre, on peut même dire entre le monde culturel et le théâtre. C’est une des conséquences de la déclaration d’indépendance du théâtre et de la primauté donnée à l’écriture scénique sur l’écriture tout court. La plupart des écrivains tournent le dos à ce nouveau théâtre, ils ne s’y retrouvent plus.

Il est significatif que le nom de Bernard-Marie Koltès soit le seul nom d’écrivain de théâtre à avoir acquis une notoriété au cours des dix dernières années. Koltès vient de mourir, jeune encore, et les cinq ou six pièces qu’il a écrites constituent une œuvre majeure ; mais son nom n’aurait sans doute pas émergé, si ce n’était que Chéreau – c’est un fait unique – a monté avec faste toutes ses pièces successivement.

La situation de l’écriture dramatique en France est donc trouble, parce que son statut est incertain, parce que les conditions sont défavorables à la formation d’une image autour de l’œuvre d’un auteur. Faut-il en conclure que le théâtre, en tant que littérature est un genre qui touche à sa fin, et qu’il n’y a plus, qu’il n’y aura plus d’auteurs dramatiques dont l’œuvre survivra à l’époque où elle produite ? La question, dans l’état actuel des choses, peut seulement être posée, et il est bon, quand on est un auteur en France aujourd’hui, de ne pas s’y arrêter, et de continuer à travailler sans trop se préoccuper de ce qui arrive à son travail dans l’immédiat. Chercher à être joué ? Oui. Chercher à être publié ? Cela est au moins aussi important, peut-être plus. Pour être lu. Mais aussi pour être joué plus tard, et autrement, et ailleurs. Les éditeurs en France sont de moins en moins enclins à publier des ouvrages dramatiques, et un combat est mené depuis quelques années, avec succès, pour empêcher que disparaisse le théâtre en tant que catégorie éditoriale.

Quelle est, pour finir, la place du théâtre aujourd’hui dans la société française ? Importante par l’activité déployée ; négligeable quant à l’impact de cette activité sur le corps social, parce que le théâtre, en même temps qu’il a fait de foudroyantes avancées dans de nombreuses directions pendant ce demi-siècle, s’est replié sur lui-même. Il faut aussi ajouter à cela l’effet du phénomène télévision, qui a profondément modifié le rapport des gens à tout ce qui est du domaine du spectacle : plus de passivité, plus d’inertie ; moins d’échange ou de participation.

Mais l’effet-télévision est aussi une raison pour laquelle le théâtre a quelque chance de ne pas disparaître. Il demeurera le lieu du refus opposé à l’abrutissement généralisé auquel conduit la civilisation du petit écran dans les sociétés pacifiques et prospères à régime capitaliste et démocratique. On peut supposer que le théâtre ne retrouvera plus la fonction plus ou moins centrale qu’il a occupée autrefois dans la Cité. Mais, même marginalisé, il continuera probablement à renaître sans cesse de ses cendres, et à offrir un aliment vital, irremplaçable, à ceux qui ne se résignent pas à la nouvelle forme de tyrannie – douce et diffuse – qui remplace en ce moment un peu partout dans le monde les formes plus visibles et plus brutales – somme toute plus traditionnelles – d’oppression. Je parle de la tyrannie des médias et de la consommation, qui amène à inventer de nouvelles formes de résistance.

Notes

1  Michel Vinaver, La Visite du chancelier autrichien en Suisse, Paris, L’Arche, 2000.

2  Jindrich Pokorny est une figure marquante de la résistance en Tchécoslovaquie : il a notamment fait parti de réseaux d’édition clandestine. Il est spécialiste de Nerval et de la littérature du Parnasse. Il se trouve à droite sur la photo prise lors de la conférence.

 


 
 



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