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VIOLENCE ET ROMAN ALGERIEN D’EXPRESSION ARABE DES ANNEES 90

par Pr. Ahmed CHAALAL [1]

Université de Mostaganem

« Je lui tendis le journal. Il lut. Je relus avec lui : Mme Aïcha Djellid a été égorgée devant ses trois filles. [...] Maman a demandé aux tueurs qu’on ne l’égorge pas devant nous. Nous, on leur a embrassé les pieds pour qu’ils épargnent maman. [...] Avant qu’il ne lui tranche la gorge, elle a crié difficilement, une dernière fois : Faites sortir mes filles ! Ne faites pas ça devant elles ! Soudain le sang a giclé de tous côtés. L’homme atroce nous a fixées une dernière fois avant de laisser le corps raide tomber comme une pierre. Il a coupé la tête de ma mère qui était restée accrochée au corps par un mince pan de chair [...] Là-bas, ils ont jeté la tête de ma mère dans une poubelle. Je l’ai ramassée, embrassée et suis retournée à la maison. J’étais, tout comme ma petite sœur, convaincue que ma mère allait retrouver la vie une fois la tête remise à sa place. On lui a parlé toute la nuit pour qu’elle revienne mais en vain. »

Waciny Laredj, (La gardienne des ombres / Don Quichotte à Alger)

I. Le genre romanesque arabe : jalons d’une tradition récente

Le genre romanesque (dans l’acception rigoureuse et moderne du terme) demeure étranger à la tradition littéraire arabe antérieure à la campagne d’Egypte de Bonaparte. En dépit de la dimension scientifique que revêtit cette entreprise militaire, ses conséquences culturelles sur la société égyptienne furent, sur le moment, quasiment nulles. L’histoire plurimillénaire de l’Egypte ne sembla pas fondamentalement transformée par la brève occupation française ; néanmoins, à long terme, cet événement historique allait se révéler décisif sous le rapport de l’introduction de la modernité ― et de l’acclimatement des signes de la modernité ― dans la société égyptienne, puis dans le monde arabe de manière générale.

En effet, la défaite égyptienne avait permis aux autorités de prendre la mesure de la disparité scientifique, technologique et culturelle qui séparait l’Egypte (et l’ensemble de l’Empire ottoman) de l’Europe en voie d’industrialisation.

L’acclimatement des attributs culturels de la modernité (parmi lesquels il convient d’inclure le roman) s’accomplit par l’entremise des théologiens d’El-Azhar que Méhémet Ali (1769-1848), le sultan de l’époque, envoya en mission en France sous les règnes de Louis XVIII et de Charles X, avec pour tâche, l’assimilation, en quelques années, des avancées scientifiques et culturelles françaises, de manière à pouvoir les transmettre en Egypte à leur retour. C’est dans le contexte de cette ambition d’appropriation du savoir européen par l’Egypte que firent leur apparition : la presse, le théâtre, la scolarisation féminine, l’imprimerie, les écoles de médecine, etc., ainsi qu’une forme narrative inédite dans l’aire culturelle arabe : le roman.

La tradition littéraire arabe connaît un certain nombre de genres narratifs spécifiques, codifiés par l’usage, parmi lesquelles on peut citer :

  makama : nouvelle (œuvre de fiction)

  akhbar : nouvelles authentiques

  amthal : dictons

  khorafat : légende, fable, superstitions, récit invraisemblable

  hekaya  : conte

  kissa : histoire récréative, nouvelle, toute sorte de narration

Toutefois, le roman, au sens moderne d’œuvre d’imagination en prose, d’une certaine longueur, et en prise sur le devenir historique, apparaît comme un genre inédit. L’un des tous premiers, et assurément le plus illustre promoteur du roman dans la sphère arabe, fut Rifaâ AT-Tahawi, un érudit d’Al-Azhar, devenu célèbre pour sa relation de voyage intitulée L’Or de Paris. Il traduisit notamment Télémaque de Fénelon.

Cette greffe du roman dans les sociétés arabes fut longue et malaisée en raison d’un certain nombre d’entraves matérielles (absence d’infrastructure éditoriale et commerciale, rareté du lectorat, faiblesse du pouvoir d’achat) et de pesanteurs idéologiques antinomiques du roman comme genre sans lois codifiées et ouvert à tous les contenus, y compris les plus subversifs.

L’acclimatement du roman dans la sphère arabe connut globalement les trois phases suivantes :

a) D’abord, il apparut sous la forme de traductions expurgées, pour des raisons de convenance sociale.

b) Son histoire se poursuivit par des adaptations plus ou moins libres.

c) Enfin, au XXe siècle, il devint un genre autonome à travers des créations totalement originales.

Le premier roman à faire date dans l’histoire du roman arabe est, sans conteste, l’ouvrage de Mohamed Heykal intitulé Zeynab (1912) dont la thématique et le souci de réalisme ne sont pas sans rappeler le roman fondateur de Flaubert, Madame Bovary, paru environ un demi-siècle plus tôt. Le XXe siècle sera marqué par l’œuvre magistrale de Nadjib Mahfuz (1912), œuvre consacrée par l’attribution du Prix Nobel littérature en 1988, mais également par celle de Hanna mina, Tayeb salah, Souhil Idris, Taha Hussein, et bien d’autres.

II. Emergence du roman algérien de langue arabe.

Le roman algérien d’expression arabe dérive de la récente tradition romanesque arabe ; néanmoins, sa spécificité est liée à son contexte d’émergence, à savoir, la période coloniale des années 40-50, marquée par une fragilisation de la langue arabe ― confinée essentiellement dans la sphère théologique et juridique ― et un usage quasi généralisé du français dans le domaine de la communication écrite.

A cette marginalisation linguistique, il convient d’ajouter la situation d’urgence dans laquelle se trouve l’élite algérienne arabisée ; il s’agit, pour cette catégorie sociale (composée essentiellement de théologiens ou de citadins de la petite bourgeoisie) de sauvegarder des acquis linguistiques moraux, religieux, historiques, bref d’atténuer les effets de l’acculturation et d’exercer une action militante de mobilisation en direction des masses.

Dans cette perspective, le roman n’apparaît ni comme une exigence pressante, ni comme un outil privilégié en vue de la défense des intérêts moraux et matériels de la population autochtone. En revanche, on leur préfèrera les genres brefs telles la nouvelle et la poésie (genres nécessitant un investissement moindre et dont l’action est probablement plus efficace) qui prospèrent dans la presse algérienne d’expression arabe.

Dans le courant mobilisateur initié par l’Association des Ulémas, le théâtre en arabe dialectal va se développer, en particulier à travers les genres populaires que sont la farce et la comédie.

En Algérie, l’avènement tardif du roman de langue arabe résulte de l’effet des facteurs suivants :

― Le rapport de domination politique et culturelle défavorable à l’essor de l’arabe.

― L’état de détresse et de délabrement psychologiques subis par de larges pans de la population autochtone.

― L’absence du genre romanesque parmi les formes narratives arabes traditionnelles.

― Les priorités politiques de mobilisation populaire autour des mots d’ordre de préservation du patrimoine culturel.

― L’absence d’infrastructures nécessaires au fonctionnement du champ culturel.

Indice de ce retard : le premier roman algérien de langue arabe ne voit le jour qu’en 1947. Il s’agit de Ghadda Oum El Kora (Ghadda, la mère des villages) de Rédha Houhou [2] , ouvrage dédié à la femme algérienne privée d’amour, de savoir et de liberté. La tradition mentionne également trois autres romans :

Taleb el menkoub, (L’étudiant sinistré, Tunis, 1951) de Abdelmadjid Ashafiï, (1933-1973)

El harik, (L’incendie) de Noureddine Boudjedra

Saout el gharam, (La voix de l’amour) de Mohamed Meneï

Ces premières expériences sont marquées par le caractère laborieux et scolaire de l’écriture ainsi que par des procédés narratifs conventionnels. On ne peut, au sens plein de l’expression, parler à leur endroit de création littéraire authentique, mais plutôt de production conventionnelle et stéréotypée.

Le roman algérien de langue arabe ne prend véritablement son essor qu’au cours des années 70. Il est contemporain de la création de la Société Nationale d’Edition et de Diffusion, décrétée en janvier 1966 après la dissolution du groupe Hachette-Algérie qui détenait jusqu’alors le monopole du commerce du livre en Algérie. C’est dans le climat général de mesures visant à recouvrer la souveraineté nationale en matière économique (décrets de nationalisations) et de discours idéologique contraignant centré sur le socialisme, les valeurs égalitaires, l’indépendance nationale, que paraissent les premiers romans algériens de langue arabe. Leur thématique ainsi que leur écriture en seront profondément marquées.

Ce roman est également contemporain d’une politique volontariste de scolarisation massive ainsi que de l’arabisation progressive de l’enseignement et de certains secteurs de l’administration.

Tous ces facteurs vont influer durablement sur les thèmes et la facture de ce roman au point que l’on parlera volontiers, a posteriori, de censure et d’autocensure. Les romans de cette époque restreignaient leur discours dans les strictes limites de la formation discursive estimée politiquement recevable au regard des orientations affichées par le pouvoir.

Néanmoins, l’accommodation thématique et formelle aux attentes idéologiques du régime n’est pas spécifique à l’édition locale. En effet, elle affecte également les romans publiés dans le reste du monde arabe dans la mesure où le contexte idéologique y est sensiblement comparable. Ainsi, les ouvrages édités dans l’aire culturelle arabe n’échappent pas à ces contraintes extra-littéraires dans la mesure où des systèmes politiques sensiblement équivalents engendrent et autorisent une production romanesque soumise à des logiques analogues.

C’est notamment le cas dans les pays régis par le parti "Baath" selon une idéologie de type nationaliste et socialisante. Des valeurs approximativement équivalentes y sont prônées, parmi lesquelles : le socialisme spécifique, l’attachement à la souveraineté nationale, le panarabisme, etc.

Le roman algérien de langue arabe (édité localement ou ailleurs dans le monde arabe), comme d’ailleurs le roman de langue française édité par la SNED, peut être légitimement défini comme une extension du discours social et un prolongement dans la sphère esthétique, des thèses diffusées par le pouvoir par le biais de ses "Appareils Idéologiques d’Etat " : école, médias, discours politique, etc.

La subordination de la création littéraire est encore aggravée par le contrôle exercé par l’Union des Ecrivains Algériens, (un appendice de l’administration), par des comités de lecture vigilants, ainsi que par le phénomène de l’autocensure.

Deux romanciers émergent au cours de la décennie 1970-1980 : il s’agit d’abord d’Abdelhamid Benhadouga  [3] avec Rih El Djanoub (Le vent du Sud) en 1971, puis Nihayat al ams (La fin d’hier) en 1975. Tahar Ouettar [4] marquera lui aussi la formation du roman algérien par deux ouvrages importants : L’As en 1970, et Ezzilzel (Le séisme) en 1976.

Il s’agit de récits à préoccupation sociale qui militent pour l’application de la révolution agraire, l’émancipation féminine, le développement économique, bref pour des valeurs de progrès et de développement mais qui ne révèlent pas de velléités de contestation ou même d’innovation véritable sous le rapport de la création romanesque.

Ainsi ces ouvrages, peuvent être considérés comme des textes à thèse, des textes en phase avec l’idéologie dominante, sans pour autant que la dimension esthétique ne soit totalement occultée.

III. Le roman de la rupture.

A l’orée de la décennie 80, l’économie administrée marque des signes d’essoufflement qui se traduisent par une vaste entreprise de restructuration économique qui affecte les grandes sociétés nationales. La SNED, principale société d’édition étatique, n’est pas épargnée par la dissolution au profit d’entités moins lourdes et plus autonomes. La création de nouvelles structures telles l’Entreprise Nationale du Livre, l’Entreprise Nationale des Arts Graphiques, l’ouverture du secteur de l’édition à des initiatives privées, ainsi qu’un certain assouplissement des pouvoirs publics en matière de liberté d’expression, tous ces facteurs vont concourir à l’émergence d’un courant romanesque nouveau caractérisé par une relative liberté de ton ainsi qu’un souci plus marqué d’élaboration stylistique. En outre, des considérations de rentabilité, jusqu’alors inexistantes, suscitent des ouvrages qui se rapprochent des préoccupations du public et divergent notablement par rapport au discours officiel en usage.

Il faudra attendre Rachid Boudjedra [5], qui, après des débuts provocateurs en français vers les années 70, traduit ou écrit directement ses romans à partir de 1981 (Le démantèlement), pour assister à l’émergence d’une nouvelle génération d’écrivains tels que Mefti Bachir, (1969), H’mida Layachi, Zaoui Lamine, (1956), Djillali Khellas, (1952), Merzag Bagtach, (1945), etc. et à l’apparition d’une création authentiquent littéraire, c’est-à-dire inscrite dans un effort d’élaboration formelle.

Ces premiers changements timides vont s’accélérer et s’imposer après la rupture socio politique engendrée par les émeutes populaires d’octobre 1988. C’est alors que le roman remplit la fonction de tribune d’expression à toutes les revendications de la société civile : respect des droits de l’homme, instauration de la démocratie, égalité des sexes, liberté d’expression.

Toutefois, en raison de la tentative islamiste de la prise de pouvoir par la violence et du chaos qui en résulta, la violence politique devait devenir le thème majeur de la production romanesque récente.

La production romanesque algérienne de la décennie écoulée demeure tributaire du prisme et du poids de l’actualité : les romanciers déclarent témoigner d’une tragédie, le lectorat tente de décrypter, à travers la fiction romanesque, une situation socio-historique jugée complexe, et l’édition conforte cette orientation de type documentaire. La réception critique a ainsi défini cette fiction romanesque de la formule : "parole ou écriture de l’urgence" susceptible d’être ainsi définie :

L’écriture reste dans ce cas l’unique moyen entre les mains de l’écrivain pour dépasser sa propre épreuve et ainsi adoucir l’atmosphère que vivent les différentes catégories de la population. Cette écriture affiche son irritation, conteste le consacré et l’hégémonique afin de détruire les tabous. [6]

Or, ce caractère documentaire et testimonial relègue à l’arrière plan la dimension esthétique inhérente à toute création littéraire. Le roman algérien de la dernière décennie, en raison des dysfonctionnements sociopolitiques qui nourrissent sa trame, est perçu comme roman à clef.

Si au plan strictement documentaire, cette perspective peut apparaître positive, en revanche, sous le rapport de la création littéraire, on a tout lieu de craindre que les notions de "littérature de l’urgence" ou de "parole de l’urgence" (couramment utilisées par la critique), c’est à dire désignant la présence directe de l’histoire dans la thématique romanesque, ne traduisent une modalité préjudiciable au recul nécessaire à la complexité formelle.

Cependant, certaines fictions allient le témoignage et l’authentique innovation littéraire. Le roman de Waciny Laredj (1954) intitulé La gardienne des ombres associe précisément ces deux dimensions : d’une part, la charge émotionnelle de l’actualité la plus immédiate et d’autre part, les attributs qui définissent la création littéraire : intertextualité, mise en abyme, multiplicité des points de vue, ambiguïté sémantique, etc.

IV. Thématique

IV.1. Le désastre culturel comme violence originelle.

Ce même roman, (La gardienne des ombres), établit un lien de causalité entre l’appauvrissement culturel national, la perte des repères de la mémoire historique, la crise identitaire collective et le phénomène massif de la violence. Cet effacement des repères qui remonte à la domination coloniale puis à la mise en place d’un pouvoir autoritaire après 1962, constitue la violence fondamentale que le narrateur de La gardienne des ombres ressent en lui ― lorsqu’il se remémore la visite d’un officiel espagnol désireux de se recueillir sur les lieux liés à la captivité de Cervantès à Alger entre 1575 et 1580 ― « comme des larmes creusant une longue blessure » (p. 253).

ثم إن هذه القصة كلما رويتها ، تركت في حلقي مذاقا مرا و راحات عميقة كالخيبة1(41)

Dans ce roman, l’indigence culturelle actuelle se révèle par opposition à la richesse de l’histoire plurielle du pays. En effet, il y a seulement quelques siècles, Alger « était autre chose, une grande ville, belle, grouillante, bigarrée, où se mêlaient Maures, juifs, renégats, chrétiens, savants provenant de diverses nations d’Europe » (p. 366) .

مع أن هده المدينة شيء آخر. فقد اختلطت فيها كل الدماء و الألوان : الموريسكي و اليهودي و المرتد و المسيحي و العلماء لقادمون من كل الأصقاع الأوربية و شداد الآفاق و العاشقون و غيرهم ... مجتمع أكثر تعقيدا مما يبدو في مظهره

A cette diversité cosmopolite, à cette ouverture sur l’Autre, va succéder, au fil du développement historique, une conception étroite et figée de l’identité, réduite à ses deux composantes arabe et islamique, et qui transformera la mentalité collective en un vivier porteur de violence potentielle.

En effet, la culture étatique imposée par le haut, dépourvue d’une partie de la mémoire authentique, va susciter un vide propice à toutes les dérives. L’école faillira à sa tâche de transmission des valeurs et de la mémoire collective. Ceci est le diagnostic établi par Waciny Laredj lorsque le narrateur de son roman note que « c’est l’éducation qu’on leur donne qui rend les êtres amoureux de leur ville ou pyromanes qui effacent tout » (p.366).

La méconnaissance de l’histoire nationale et de ses liens avec l’universel, engendrée par une culture imposée et artificielle ainsi que par le mercantilisme qui affecte la circulation des œuvres d’art atteint un degré absolument invraisemblable. Ainsi, un enfant du quartier de « Cervantès », près de Belcourt, au dessus du Jardin d’Essai, interrogé sur la signification de « Cervantès » aura cette réponse symbolique : « Cervantès ... tout le monde connaît ... une grotte ... une petite poubelle, c’est tout... zoubia s’ghira ... on y joue, quand elle est grosse, on y met les mains et les pieds, on se bagarre pour les trésors » (p. 289).

IV. 2. Frustrations et violence.

Les frustrations de tous ordres sont aussi génératrices de violence ; dans cet ordre d’idée, Boudjedra est certainement le romancier qui a dénoncé avec le plus de véhémence le caractère castrateur du pouvoir patriarcal, particulièrement dans ses deux romans La répudiation et L’insolation.

Son roman écrit en arabe, Timimoun [7], a pour narrateur un personnage anonyme désigné par le pronom "je", personnage défini par son amertume, ses refoulements et par un comportement inhibé à l’égard de la sexualité. Si l’on tente d’établir une corrélation entre le parcours de ce personnage, son vide affectif, l’absurdité de son existence, son incapacité à entretenir des rapports inter humains authentiques, et d’autre part la violence qui affecte le pays au quotidien, on note une rupture apparente entre ces deux lignes thématiques : un personnage frustré et une situation socio politique chaotique.

Pourtant, une lecture attentive du texte montre le rapport très net qui existe entre interdits, frustration et criminalité ; d’abord, le désir non satisfait, peut s’exprimer par l’instinct de mort (le héros se détruit par un usage immodéré de l’alcool), par la tentation du suicide : « ne jamais me séparer de mes cinq capsules de cyanure » (p.150.), et (p.105)( [8]), mais encore par la folie « un début de démence commençait par m’envahir » (p.147.), ou plus grave encore, par un désir de meurtre : « Il m’arrivait d’avoir des envies de tuer Sarah ». p. 146( [9] )

Il est permis de penser que les causes sociales qui ont déterminé ces perturbations psychiques chez le héros de Boudjedra sont également à l’œuvre dans la société et affectent chacun à des degrés divers, en fonction de sa résistance particulière et de son histoire spécifique.

La sexualité en milieu patriarcal maghrébin est vécue sur le mode de l’interdit pendant « des années de refoulement de solitude et de refus de mon propre corps » P. 146( [10]). Certes, toutes les sociétés exercent un certain contrôle du désir mais lui permettent par ailleurs de s’exprimer par la sublimation. Quand celle ci s’avère impossible les conséquences peuvent être tragiques.

IV. 3. La violence : conséquence du désordre économique et social.

Les romans récents font référence à l’origine occulte des fortunes, aux moyens illégaux mis en œuvre pour les acquérir, à la transgression des lois, à la corruption, aux disparités socio-économiques, etc. Cette anarchie dans la redistribution du revenu national motive l’expression de la violence. Celle-ci peut prendre l’aspect de l’exploitation exercée sur les plus faibles (par exemple, dans La gardienne des ombres, les « enfants de Oued As-Sammar dont la plupart sont asthmatiques et qui continuent à travailler dans cette grande poubelle nationale » (p. 268.) poubelle qui est un « marché d’échanges entre les mains de hauts fonctionnaires de l’Etat » (p. 266).

La violence est également à l’œuvre dès lors qu’il s’agit de protéger des intérêts menacés. Après la visite à Oued As-Sammar, le visiteur étranger est arrêté et accusé d’espionnage. C’est précisément à la suite de cette visite jugée inopportune en haut lieu que « l’alerte rouge a été déclenchée pour tirer tout au clair » (p. 306) et que "Don Quichotte" (le touriste étranger, descendant du héros de Cervantès) a été arrêté, incarcéré, accusé d’espionnage puis expulsé.

IV. 4. Restriction des libertés individuelles et du droit à l’expression.

La fiction romanesque algérienne signale également comme origine de la violence les restrictions exercées sur les libertés individuelles et le droit à l’expression. A cet égard, citons à titre d’exemple le roman de Djillali Khellas, La tempête de l’île aux oiseaux. Après avoir largement décrit les émeutes d’octobre 1988, une séquence du récit relate l’incarcération de l’auteur (journaliste de son état) par la Sécurité Militaire, arrestation motivée par la simple interprétation d’une nouvelle parue dans la presse jugée attentatoire à la sécurité de l’Etat et à l’image du « Cheikh el akbar, hâmi el oumma ». (Grand chef, protecteur de la Nation).

Si aucun romancier, (dans les limites de notre corpus), n’incrimine les responsables politiques et les forces de sécurité dans l’exécution des crimes commis dans le pays, et si tous s’accordent à désigner, sans ambiguïté, le terrorisme islamiste qui puise ses justifications dans l’exégèse théologique, ― que le discours officiel répugne à évoquer ―, il n’en demeure pas moins qu’ils désignent unanimement la gestion politique du monopartisme comme étant à l’origine de la crise.

Les membres du régime sont désignés d’un vocable différent selon les romanciers :

― « Le Clan » dans la fiction de Boudjedra

― « La famille des Verts » ou « Les Bani-Kelbouns » dans La gardienne des ombres de W. Laredj

La responsabilité de l’Etat repose sur une pratique malsaine du pouvoir ayant conduit à une situation propice à la criminalité et sur une incapacité à la juguler. Devant le caractère monstrueux des manifestations de la violence, certains romanciers ont présenté ce phénomène comme une constante historique spécifique à l’Algérie. Ainsi Djillali Khellas inaugure son récit par un passage des Haltes (mawakif) de l’Emir Abdelkader : « Saches que cette contrée, depuis son entrée dans l’espace de la civilisation, est le lieu des discordes et le nid de la terreur et des épreuves et ... des rois et des combattants ainsi que la convoitise des grands et des petits. Ses habitants n’ont jamais connu le sommeil... en dépit de tout cela tu peux voir ses mosquées et ses écoles pleines et ses assemblées animées par des invocations et toutes sortes de sciences fleuries. » (p. 7).

Dans son roman Les labyrinthes d’une nuit tumultueuse, H’mida Layachi fait dire à l’un de ses personnages : « Le sang est notre histoire collective, notre mémoire du passé, notre mémoire d’aujourd’hui. » (p. 21) Toutefois, l’ensemble des romanciers, arabophones ou francophones, analysent la situation en imputant la responsabilité de la violence à l’instrumentalisation de la religion par les partis de la mouvance intégriste.

IV. 5. L’origine intégriste de la violence.

Alors que le discours officiel répugne à évoquer explicitement le soubassement idéologique du terrorisme en Algérie, les romanciers désignent sans ambiguïté les justifications desterroristes,puisées dans l’exégèse théologique islamique.

Par exemple, la succession quasi immédiate d’un article narrant un assassinat particulièrement odieux et d’une déclaration d’un chef islamiste permet une lecture politique de la violence algérienne. Elle n’est pas le fait, comme on le prétend parfois, d’un courant politique ordinaire qui aurait été spolié d’une victoire démocratiquement acquise mais d’un parti religieux extrémiste qui use du crime comme d’un moyen pour s’emparer du pouvoir.

Les partis religieux sont perçus comme fondamentalement criminels puisque, par principe, ils considèrent « que la seule source du pouvoir c’est Allah à travers le Coran et non pas le peuple. Si le peuple vote contre la loi de Dieu, cela n’est rien d’autre qu’un blasphème. Dans ce cas il faut tuer ces mécréants ... » (La gardiennedes ombres, p.249)

Ici, la matrice idéologique qui nourrit le terrorisme algérien est explicitement désignée et ne souffre aucune ambiguïté. Il convient d’examiner le détail de cette thématique dans les romans algériens de langue arabe.

L’opinion du narrateur établit un lien direct entre, d’une part, l’idéologie islamiste, et d’autre part, la criminalité : p. 323( [11] )

« Plus de 900 associations culturelles, qui servaient de relais idéologiques au FIS, vivait sur le dos de l’état une armée cachée, redoutable et stratégique qui possédait toutes les armes contemporaines de destruction de tout ce que représente l’Etat, et qui par ailleurs clochardisait la société » p.323

D’ailleurs, pour éviter l’ambiguïté, le vocable terroriste est le plus souvent complété par le qualifiant islamiste : Timimoun, (p.27) [12]

Il advient même que le seul terme intégriste soit utilisé comme synonyme d’assassin : p.79

« Un journaliste français abattu par les intégristes de la Casbah » p. 79( [13]).

« Une bombe déposée par des intégristes fait 9 morts et une centaine de blessés dont certains sont dans un état grave. » p.96

L’unanimité des romanciers à propos de la paternité des massacres et la responsabilité des partis islamistes dans l’exercice de la violence est significative d’une conception de la littérature comme activité d’engagement.

Il convient d’examiner à présent les procédés narratifs mis en œuvre pour intégrer ces manifestations de la violence dans une œuvre de fiction.

V. Procédés littéraires.

V. 1. L’intertextualité.

Waciny Laredj recourt à la forme du roman picaresque dans lequel un personnage explore toutes les strates de la société ainsi qu’à celle du récit de voyage pour révéler l’aspect caché de la ville d’Alger, figure métaphorique du pays.

C’est à travers le regard de ses personnages (regard d’autant plus aigu et perspicace que l’un d’eux est étranger, donc exempt de l’habitude qui émousse les sens) que la violence est perçue : cette descente dans les bas fonds est le moyen de montrer les vols, trafics en tous genres, abus de pouvoir, arrestations arbitraires, parodies de justice, destruction de toute échelle de valeur, qui font le quotidien algérien.

C’est par le détour de l’intertextualité (références diverses à la littérature espagnole, à des personnages romanesques : Zoraïde, un personnage de Don Quichotte, évocation du poète français Regnard (1655-1709) captif à Alger comme Cervantès), que la violence est montrée. Ce télescopage entre la diversité et la richesse millénaire de l’Algérie et l’indigence du présent est particulièrement significatif. Outres les allusions, les références, les parodies de textes universels, Laredj use du procédé du récit enchâssé.

V. 2. Le récit enchâssé.

Le choix du récit enchâssé permet d’introduire dans la trame du récit principal des séquences issues directement du référent c’est à dire de la réalité sociale, le plus souvent sous forme d’extraits de presse. Nombreux sont les romanciers qui usent de ce procédé (Yasmina Khadra, Waciny Laredj, Rachid Boudjedra) dans la mesure où la presse constitue un véritable reflet du vécu algérien et où de nombreux auteurs sont à la fois romanciers et journalistes.

Cette technique d’écriture permet de montrer que le phénomène de la violence n’est pas seulement une séquelle du patrimoine culturel soumis au mercantilisme, de l’imposition d’un héritage culturel factice, ou de la disparition de tout repère, mais qu’il résulte également des conditions sociopolitiques de l’Algérie contemporaine qui la génèrent de manière primaire, c’est-à-dire par des atteintes physiques à la personne humaine.

Par exemple, le roman La gardienne des ombres inclut des déclarations publiques de responsables politiques [14] ou bien des articles reproduits in extenso [15] :

« Je lui tendis le journal. Il lut. Je relus avec lui : Mme Aïcha Djellid a été égorgée devant ses trois filles. Dans la nuit de mercredi à jeudi, un groupe de terroristes a fait irruption au domicile de Aïcha, âgée de 37 ans, mère de filles et vivant séparée de son mari. Elle était cadre à la wilaya. Vers 23 heures, elle entendit frapper à la porte et quelqu’un crier : Police... police... ouvrez ! Quand elle a ouvert, deux individus encagoulés se sont rués sur elle. Ils lui ont réclamé sa collaboration concernant des renseignements ayant trait à son travail. Elle a refusé. Ils lui ont alors promis la mort. Aïcha, sachant qu’elle allait mourir, leur demanda de la faire sortir de la maison et de la tuer par balles loin de ses filles. [...] Maman a demandé aux tueurs qu’on ne l’égorge pas devant nous. Nous, on leur a embrassé les pieds pour qu’ils épargnent maman. [...] Avant qu’il ne lui tranche la gorge, elle a crié difficilement, une dernière fois : Faites sortir mes filles ! Ne faites pas ça devant elles ! Soudain le sang a giclé de tous côtés. L’homme atroce nous a fixées une dernière fois avant de laisser le corps raide tomber comme une pierre. Il a coupé la tête de ma mère qui était restée accrochée au corps par un mince pan de chair [...] Là-bas, ils ont jeté la tête de ma mère dans une poubelle. Je l’ai ramassée, embrassée et suis retournée à la maison. J’étais, tout comme ma petite sœur, convaincue que ma mère allait retrouver la vie une fois la tête remise à sa place. On lui a parlé toute la nuit pour qu’elle revienne mais en vain. », (La gardienne des ombres, pp. 248-249)

V. 3. La forme autobiographique.

Le sujet du roman des années 70 était un sujet collectif. Par exemple, les ouvrages de Boudjedra militent pour la promotion d’une classe sociale : la paysannerie pauvre ou bien pour l’émancipation d’une catégorie sociale : les femmes en général. Ces caractéristiques marquent également la production romanesque de Tahar Ouettar.

En revanche, les publications récentes mettent essentiellement l’accent sur la présence d’un sujet individuel face à un développement historique, contre lequel il peut se révolter mais qu’il ne maîtrise pas. Ce changement a d’ailleurs une incidence sur la forme puisque la narration subjective à la première personne est la technique la plus usitée.

La narration à la première personne semble naturellement la voie la plus appropriée à l’expression de la subjectivité. Elle est traditionnellement le procédé le plus usité dans le texte autobiographique (journal, autobiographie confession) et permet sur le mode de l’aveu l’expression de thèmes que la société réprouve.

Ainsi, elle rend possible, dans le roman de Boudjedra, Timimoun, une exploration du monde intérieur du personnage débouchant sur une explication de la violence comme séquelle de la répression sexuelle.

La prise de distance par rapport aux instances de pouvoir et à leur idéologie, le devoir de témoignage, l’implication personnelle (directe ou indirecte) de ces écrivains, rend intelligible le choix de la narration subjective, et l’omniprésence du sujet, de ses émotions et de sa perception du monde.

L’auteur est parfois ainsi conduit à narrer une expérience personnelle le plus souvent traumatisante. Par exemple, la troisième et dernière partie du roman de Merzak Bagtache, Le sang de la gazelle, relate la tentative d’assassinat dont l’auteur fut lui-même la victime. Le titre éponyme de cette partie, Merzag Bagtache, traduit la dimension subjective et autobiographique du roman.

La modalité subjective du récit a engendré (entre autres) un style d’écriture comparable au récit documentaire, à la chronique, et au témoignage.

Le poids de l’expérience du sujet a pu donner lieu à une écriture de reportage, au plus près de l’événement, consistant à dire la violence pour faire le travail de deuil et dépasser le traumatisme. C’est par exemple le cas des romans de Bagtache (Le sang de la gazelle) de Layachi, Méandres de la nuit de la discorde, ou de celui de Djillali Khellas, Tempêtes de l’île aux oiseaux.

Il s’agit de trois expériences personnelles qui constituent la matière romanesque. Par ailleurs, la violence politico-sociale de cette décennie émerge dans la trame narrative des romans de Rachid Boudjedra, non plus comme élément brut mais comme écho du réel inséré dans une trame romanesque. Rachid Boudjedra, comme Waciny Laredj, transcendent l’immédiateté du réfèrent par un souci constant de la forme.

Le travail d’écriture porte aussi bien sur le détail (phrases, micro séquences), que sur la structure globale, le rythme, la focalisation, les ruptures de la linéarité temporelle, etc.

Par exemple, le roman de Rachid Boudjedra, Timimoun se situe dans une tension entre d’une part, la proximité immédiate des actes terroristes (annonces de radio insérées dans le texte), l’intrusion de l’actualité la plus brute, et d’autre part une fiction marquée par la mythologie propre à l’auteur : souvenirs d’enfance récurrents dans tous ses romans, scènes et personnages familiers aux lecteurs de Boudjedra .

Ces deux tendances (écrit à caractère documentaire, référentiel / écrit à vocation esthétique) peuvent trouver leur explication dans le parcours des écrivains eux-mêmes : il semblerait que le degré d’élaboration formelle soit proportionnel à la distance que l’auteur est en mesure de ménager entre sa pratique de l’écriture et la violence brute du quotidien.

La mort devient ainsi un thème majeur et incontournable. L’expérience, qu’elle soit relatée directement ou soumise à un traitement esthétique, débouche sur le sentiment de l’absurde, d’où l’univers kafkaïen de certains romans.

Il ne s’agit plus de l’absurde philosophique du milieu du XXe siècle, mais d’un absurde qui naît d’une situation chaotique, d’une situation de blocage, dépourvue de toute perspective. C’est cette absence de solution qui suscite le climat mortifère propre aux romans maghrébins.

Cependant, l’absurde de l’univers romanesque algérien réserve une part d’espoir qui transparaît dans la pratique dédicatoire. Les romans écrits à la mémoire des victimes (artistes et intellectuels le plus souvent) constituent en dépit de leur contenu désespéré une possible source de salut. ( [16])

Bibliographie

I. Romans

Bagtache, Merzag, le sang de la gazelle, Casbah édition, Alger, 2001

Boudjedra Noureddine, Timimoun, édition Denoël, Paris, 1994

Khellas Djillali, Tempêtes de l’île aux oiseaux, édition Marinoour, Alger, 1998

Layachi H’Mida, Les labyrinthes d’une nuit tumultueuse, édition El Barzakh, Alger, 2000

Laredj Waciny, La gardienne des ombres, édition Al-Jamal, Köln, Germany, 2000

Mefti Bachir, L’archipel des mouches, édition El-Barzakh, Alger, 2000

Mostghanemi Ahlam, Mémoire du corps, édition Mophem, Alger, 1993

II. Etudes Critiques

Ameur Makhlouf, Le roman et les mutations en Algérie, Damas, 2000

Daoud Mohamed, Le roman algérien de langue arabe. Lecture critique, édition CRASC 2002

Laredj Waciny, Les tendances du roman arabe en Algérie, E.N.A.L,Alger 1986

[1] Professeur de Littérature, Doyen de la Faculté des Lettres de Mostaganem

[2] Ahmed Rédha HOUHOU, (1911-1956), issu d’une famille aisée de Biskra qui émigre à Médine, il commence sa carrière d’écrivain dans la presse cairote. On lui doit notamment :

Ghadda Oum Al Qora (Ghadda, la mère des villages), Alger, 1947

Himar al Hakim, Constantine, 1953

Sahibate al Wahyy, (La voyante), Constantine, 1954

Namadhidj bacharia, (Prototypes humains), Tunis, 1955

[3] . Abdelhamid BENHADOUGA, (1925-1996) ; études de lettres et de théologie. Auteur de :

Rih el Djanoub, (Le Vent du Sud), Alger, Société Nationale d’Edition et de Diffusion, 1971

Nihayatou al Ams, (La fin d’hier), Alger, Société Nationale d’Edition et de Diffusion, 1975. Ecrivain prolifique, il laisse plus de 200 pièces radiophoniques, de nombreux romans et recueils de nouvelles.

[4] . Tahar OUETTAR, (1936) ; formation théologique à l’Institut Ben Badis de Constantine puis à l’Université Zeitouna de Tunis. Il est surtout connu pour les œuvres suivantes :

Achouhada yaoudoune Hadhal Ousbou’, (Les martyrs reviennent cette semaine), Baghdad, 1974, (recueil de nouvelles)

Al Laz, (L’As), 1974

Az-Zilzel, (Le séisme), 1974

Al-Houwat al-Qasr, (Le pêcheur et le palais), Alger, 1979

Ars Bghal, (Noces de mulet), Beyrouth, 1978

Al-Ichq wal Mawt fi Az-Zaman al-Harrachi, (L’amour et la mort à l’ère Harrachie), Beyrouth, 1979

[5] Rachid Boudjedra, (1941), romancier, poète, et dramaturge iconoclaste. Etudes secondaires à Tunis puis supérieures à la Sorbonne. Surtout connu pour ses romans :

La répudiation, Paris, Denoël, 1969

L’Insolation, 1972

Topographie idéale pour une agression caractérisée, 1975

Le vainqueur de coupe, 1981, etc.

[6] DAOUD, Le roman algérien de langue arabe / Lecture critique, Editions CRAASC, 2002, p. 116.

[7] Rachid BOUDJEDRA, Timimoun, Paris, Julliard, 1994.

[8] النص العربي ص. 102-148

[9] النص العربي ص. 134

[10] النص العربي ص. 134

[11] النص العربي ص. 148

[12] النص العربي ص. 27

[13] النص العربي ص. 77

[14] النص العربي ص. 37

[15] و بحركة آلية قدمت له الجريدة . قرأ بصوت مسموع و شددت بعده على بعض المقاطع الحساسة : أغتيلت ذبحا ، السيدة عائشة جليد أمام بناتها الثلاثة . في ليلة الأربعاء إلى الخميس اقتحمت مجموعة مسلحة بيت عائشة البالغة من العمر 37 سنة أم لثلاث بنات و تعيش مفصولة عن زوجها . كانت إطارا بالولاية . في حدود الساعة الحادية عشر ليلا سمعت دقا على الباب مصحوبا بنداء : إفتحي ، الشرطة... الشرطة ؟ عندما فتحت هجم عليها شخصان ملثمان... عندما تأكد أن عائشة ميتة لا محالة ، طلبت منهما إخراج بناتها من البيت و قتلها بالرصاص بعيدا عن هن ... بنتها تروي : ترجتهم أمي أن لا يذبحوها أمامنا . قبلنا أرجلهم حتى يتركوها . قدحت عينا أحدهم شررا . كانت هيئته مرعبة ، هيئة حيوان مفترس . وضع أمي بين يديه العريضتين الموشومتين بالثعابين . جذبها بقوة باتجاه صدره و ضغط على رقبتها بكفيه الغليضتين تم سحب رأسها ضاغطا بركبته اليمنى على عمودها الفقري فانهارت على ركبتيها. عندما أصبح نحرها بارزا، أخرج سكينة كبيرة . و قبل أن يحز رقبتها صرخت بصعوبة للمرة الأخيرة : أرجوكم أخرجوا البنات اتقوا الله لا تفعلوا هدا أمامهن . فجأة احمر وجهها و رقبتها و لباسها و يدا القاتل الذي قبل أن يترك الجسد البارد ينكسر بصمت و بدون صراخ على البلاط لمعت عيناه للمرة الأخيرة و هو ينظر إلينا . قطع رأس أمي الذي ظل عالقا بالجسم بجلدة رهيفة .ص. 35-36 .

[16] البارانويا - سعيد مقدم " إلى الذي علمني القراءة و الكتابة، شقيقي الأكبر و والدي الأصغر عبد الرحمن مقدم الذي مات مغتالا بخنجر الجبناء و أبناء الحركة " . قضاة الشرف - عبد الوهاب بن منصور " إلى روح صديقي بختي بن عودة " عواصف جزيرة الطيور - جيلالي خلاص " إلى ذلك الشاب المجهول الذي كان يقف أمامي ، و فجأة أصابته رصاصة ، فتهاوى بين يدي واهبا إياي حياة ثانية مند يوم 07 أكتوبر 1988 " مرايا متشظية - الدكتور عبد الملك مرتاض " إليهم ، إلى الذين كانوا يغتالون و لا يدرون بأي ذنب يغتالون و إلى الذين كانوا يغتالون و لا يدرون لأي علة يغتالون لأولئك و هؤلاء أحكي ... لكن ماذا أحكي و أقول ؟


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